Le middle management joue un rôle clé dans le succès des organisations, tant dans l’atteinte de leurs objectifs stratégiques que dans la stabilité de leurs modèles opérationnels. Ce niveau de management, souvent sous-estimé, est pourtant un levier crucial de performance. Pour mieux comprendre ses enjeux, ses facteurs de réussite et les outils nécessaires à son optimisation, nous avons rencontré Nadia Touhami, Partner EY Tunisie, People Consulting leader.
Dans cet échange, elle nous éclaire sur les évolutions récentes du middle management et partage des pistes pratiques pour renforcer son efficacité.
Pouvez-nous expliquer ce que l’on entend exactement par « middle management » dans le contexte des organisations modernes ?
Le middle management est, comme son nom l’indique, la couche managériale qui est située entre les premiers décideurs de l’entreprise, plus connu sous l’appellation top management et la première ligne de l’organisation, à savoir les responsables de la mise en œuvre effective des opérations.
De cette définition, on retient deux idées :
- Ce sont des managers : ils sont donc responsables de la gestion avec succès de leurs équipes et de leurs business unit.
- Ils ont un rôle central (au sens propre et figuré) dans les couches organisationnelles.
En quoi les middle-managers se distinguent-ils des cadres supérieurs et des équipes opérationnelles sur le plan des responsabilités ?
Les middle managers peuvent occuper des fonctions de cadres supérieurs, mais ils se distinguent des top managers. En effet, bien qu’ils puissent participer à la réflexion stratégique, ils n’en ont pas la responsabilité directe. Leur rôle ne s’étend pas non plus au pilotage stratégique global de l’entreprise. En revanche, ils sont chargés de mettre en œuvre cette stratégie au sein de leur périmètre d’action et de la décliner en politiques opérationnelles adaptées.
Les middle managers peuvent occuper des fonctions de cadres supérieurs, mais ils se distinguent des top managers. En effet, bien qu’ils puissent participer à la réflexion stratégique, ils n’en ont pas la responsabilité directe.
Leur rôle se distingue également de celui des équipes opérationnelles, car ils ne sont pas impliqués dans l’exécution directe des tâches. S’ils le faisaient, ils risqueraient de perdre la perspective nécessaire pour piloter efficacement l’activité, la performance, les équipes, tout en jouant un rôle d’accompagnement et de coaching. Dans l’idéal, et selon la théorie, leur mission principale consiste à superviser et à diriger, tout en maintenant une posture de pilotage stratégique et opérationnel.
Pouvez-vous partager des exemples concrets où un middle-manager a été déterminant dans le succès d’un projet ou la transformation d’une organisation ?
Le premier exemple qui me vient à l’esprit est le rôle du middle management en tant que relais stratégique. Bien que la stratégie d’entreprise puisse être parfaitement structurée et clairement définie, son application opérationnelle peut être défaillante. Lorsque cela se produit, l’une des causes fréquentes est l’absence d’implication ou d’équipement adéquat des middle managers pour traduire cette stratégie en actions concrètes. Que ce soit par manque d’engagement, de préparation ou de ressources, l’impact reste le même : une déconnexion entre la vision stratégique et sa mise en œuvre sur le terrain.
En tant que conseillers et partenaires de transformation des entreprises, nous touchons de près le rôle du middle management dans la conduite du changement. Dans tout processus de transformation, l’objectif est de mettre en place une dynamique de « multiplication du changement ». Cela signifie que le succès ne repose pas uniquement sur des communications directes, mais sur des relais efficaces capables de porter et d’accompagner ce changement. Les middle managers jouent un rôle central dans ce processus. D’ailleurs, l’échec de nombreux projets d’envergure est souvent lié à une implication insuffisante ou inexistante des middle managers.
Pourquoi les middle managers sont-ils devenus un point d’attention stratégique pour les dirigeants d’entreprises ces dernières années ?
Aujourd’hui, les organisations sont de plus en plus sous la pression d’environnements de plus en plus complexes … Dans ce contexte, le rôle du middle management devient central, il lui incombe de maintenir la maitrise technique de son périmètre d’action à un niveau très élevé, d’assurer l’alignement avec la stratégie globale de l’entreprise, d’accompagner et d’encadrer ses équipes et de garder l’œil sur l’évolution de l’environnement … . Il est essentiel de bien répartir les responsabilités entre les différents acteurs de l’organisation pour gérer cette complexité croissante.
Un autre facteur clé qui renforce l’importance du middle management est l’engagement des collaborateurs. Les études récentes montrent que le principal levier d’engagement des employés est leur manager direct, souvent le middle manager. Lorsqu’il joue pleinement son rôle de proximité avec les équipes, relais d’information, motivation et gestion des frustrations, il a un impact direct et positif sur l’implication des collaborateurs.
De plus, le middle management est crucial pour détecter et gérer les frustrations ou les signaux d’alerte au sein des équipes. Il contribue également à aligner les objectifs individuels des employés avec la vision globale de l’entreprise, renforçant ainsi la cohésion organisationnelle.
Quels outils ou ressources les entreprises doivent-elles mettre en place pour mieux accompagner leurs middle-managers ?
La première étape consiste à définir clairement le rôle et le périmètre d’action du middle manager. Bien que cela semble évident, de nombreuses organisations souffrent d’interférences entre rôles et responsabilités. Une définition claire permet au middle manager de mieux s’approprier son périmètre. En se sentant pleinement responsable de son domaine, il peut prendre des décisions pertinentes, arbitrer lorsque c’est nécessaire, ou remonter les informations critiques.
Les middle managers doivent aussi être impliqués et informés. Même s’ils n’ont pas de rôle actif dans toutes les décisions stratégiques, leur participation aux processus de réflexion et leur implication dans la mise en œuvre de la stratégie sont essentielles. Cela leur permet de mieux comprendre les enjeux, de décliner les objectifs dans leur périmètre d’action et de les transmettre efficacement à leurs équipes.
Le mentorat par le top management constitue un levier puissant, souvent sous-estimé. Le partage d’expériences, les retours directs et la proximité avec des dirigeants permettent aux middle managers de mieux comprendre les attentes liées à leur rôle et de s’inspirer des parcours de leurs mentors.
Le mentorat par le top management constitue un levier puissant, souvent sous-estimé. Le partage d’expériences, les retours directs et la proximité avec des dirigeants permettent aux middle managers de mieux comprendre les attentes liées à leur rôle et de s’inspirer des parcours de leurs mentors.
Comment les programmes de formation ou de coaching peuvent-ils aider les middle managers à développer des compétences clés, comme la prise de décision ou la gestion des équipes ?
Avant tout, la réussite d’un programme de formation repose sur la prise de conscience et l’adhésion du middle manager. Aucun programme ne peut porter ses fruits si le collaborateur n’en perçoit pas l’utilité ou n’est pas conscient de son besoin. Ainsi, la première étape consiste à susciter cette prise de conscience en amont, en montrant clairement les bénéfices de la formation pour sa trajectoire professionnelle.
Ensuite, les programmes de formation et de coaching doivent s’inscrire dans une logique de développement de compétences alignée sur une trajectoire de carrière. Cela inclut à la fois des compétences techniques et des « soft skills » managériales, essentielles pour jouer pleinement le rôle de middle manager. Ces formations doivent être conçues de manière innovante et adaptées aux besoins spécifiques des managers, en répondant à des objectifs précis définis par l’organisation.
Il est également crucial de dépasser les formats classiques. Outre les formations théoriques sur le leadership ou la gestion d’équipe, il est recommandé d’adopter des approches plus dynamiques, comme le peer coaching, où les middle managers partagent leurs expériences et leurs solutions avec leurs pairs. Cette méthode favorise l’apprentissage collaboratif et l’échange d’idées pratiques.
L’accompagnement sur le terrain, ou « learning by doing », est une autre approche clé.
En combinant ces différentes approches, les organisations peuvent efficacement accompagner leurs middle managers et renforcer leur contribution à la réussite collective
Comment les middle managers peuvent-ils eux-mêmes se préparer pour mieux répondre aux attentes de l’organisation ?
Nous recommandons vivement aux organisations de mettre en place une culture et une politique RH qui responsabilise les collaborateurs quant à leur propre carrière. Cela signifie offrir un cadre, des trajectoires et des outils, tout en permettant aux collaborateurs de définir eux-mêmes leur parcours : souhaitent-ils une progression rapide, une expérience riche, une évolution verticale ou horizontale ?
Il est essentiel que chacun comprenne les étapes clés de sa carrière et s’y prépare à temps. Dans des structures parfois très verticales, où la stratégie manque de clarté, il est important d’initier le dialogue avec le top management. Une simple demande de clarification peut souvent ouvrir la voie à une meilleure compréhension des attentes et des objectifs.
Selon vous, quelles seraient les trois priorités immédiates pour les entreprises qui souhaitent renforcer leur middle management en 2025 ?
Commençons par les fondements : il est essentiel que la culture et les politiques de l’entreprise soient basées sur les compétences et la méritocratie. Cela inclut des trajectoires de carrière clairement définies, qu’elles soient verticales, horizontales ou centrées sur l’expertise. Ce modèle de gestion, appelé « skills-based organization », gagne en importance et en pertinence. Il est tout aussi crucial de mettre en place des cadres pour la gestion de la performance et pour préparer la succession, car les middle managers d’aujourd’hui seront les top managers de demain. Ces fondements doivent constituer un socle solide pour les politiques RH des entreprises.
Ensuite, tout en adoptant une approche agile et flexible, les organisations doivent clarifier les règles et les périmètres d’action des middle managers. Offrir un cadre clair leur permet d’agir de manière plus efficace et autonome.
Enfin, la communication est primordiale. Un canal de communication continu entre les middle managers, leurs supérieurs hiérarchiques et leurs équipes est indispensable. Cela garantit une circulation fluide des informations et facilite leur rôle de relais stratégique et opérationnel.