Moyennant 1,5 milliard d’euros, l’entreprise américaine Space X fondée par le milliardaire américain Elon Musk pourrait fournir une gamme complète de services de cryptage au gouvernement de la dirigeante d’extrême droite transalpine, Giorgia Meloni. La polémique enfle en Italie.
Conflit d’intérêts, collusion, affinités idéologiques ? L’idylle supposée entre la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, et l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, va-t-elle se matérialiser dans un accord à plus d’un milliard d’euros ?
« Plus belle à l’intérieur qu’à l’extérieur »
Tout a commencé à la veille de son intervention lors de la 79e Assemblée des Nations unies à New York, quand la responsable italienne était l’invitée d’honneur au Ziegfeld Theatre de Broadway le 24 septembre dernier pour recevoir le Global Citizen Award. Et c’est Elon Musk en costume et nœud papillon qui s’est avancé pour couvrir Giorgia Meloni d’un torrent de compliments. Il salua à l’occasion son « travail incroyable en tant que Première ministre, avec une croissance et un emploi record », et loua une « personne honnête, vraie, authentique, une qualité rare pour un politicien ». Avant de la décrire, devant l’assistance médusée, comme « une personne encore plus belle à l’intérieur qu’à l’extérieur ». À la limite d’une déclaration d’amour !
Face aux rumeurs persistantes sur cette supposée idylle, le fantasque patron de Tesla s’est fendu d’un démenti en annonçant officiellement sur son compte X qu’« il n’y a aucune relation amoureuse avec la Première ministre Meloni ». Point barre.
« Le prix de l’amitié »
Mais, trêve de romance à l’eau de rose, revenons aux faits. La Première ministre italienne est en passe de signer un contrat de 1,5 milliard d’euros avec SpaceX – une entreprise américaine fondée par Elon Musk et spécialisée dans le domaine de l’astronautique et du vol spatial – pour sécuriser les communications sensibles italiennes.
Concrètement, ce contrat viserait à fournir à l’Italie des cryptages de haut niveau pour les services téléphoniques et Internet utilisés par son exécutif, ainsi que pour l’armée italienne dans la région méditerranéenne.
Ce contrat, qui aurait, selon certains médias, été discuté en marge de la visite de Giorgia Meloni à Donald Trump samedi 4 janvier au centre de sa villégiature de Mar-a-Lago, en Floride, a soulevé un tollé en Italie en raison d’une supposée interférence entre les affaires du cœur et le monde du business. L’opposition y voit le « prix de l’amitié » entre la présidente du parti néofasciste Fratello d’Italia et le milliardaire américain.
Ainsi, la cheffe du Parti démocrate, Elly Schlein, a exigé cette semaine que « Meloni et son gouvernement rendent compte immédiatement des discussions avec Musk », ajoutant que « si 1,5 milliard d’euros de l’argent des Italiens pour utiliser les satellites du milliardaire américain dans notre pays est le prix à payer pour son amitié, nous ne sommes pas d’accord ».
« Tous contre Musk », titrait pour sa part La Repubblica, le quotidien de centre gauche, dans son édition du 8 janvier, une position qui reflète l’exaspération grandissante des dirigeants européens face aux ingérences du patron de Tesla dans la vie politique intérieure de plusieurs pays, à l’instar de l’Italie, du Royaume-Uni ou encore de l’Allemagne. Une ingérence qu’Emmanuel Macron aura qualifiée de « nouvelle internationale réactionnaire ».
Elon Musk ? « Un génie »
Réponse outrée de la Première ministre italienne aux récentes attaques des dirigeants européens contre le milliardaire américain, estimant que ses critiques faisaient scandale seulement parce qu’il est « de droite ». « Est-ce que le problème est qu’Elon Musk a de l’influence et est riche ou alors qu’il n’est pas de gauche? », a-t-elle ironisé.
Pour la cheffe du parti Fratelli d’Italia, Elon Musk « exerce simplement sa liberté d’expression, tout comme le font des personnalités de gauche », citant notamment le milliardaire philanthrope George Soros.
Interrogée jeudi 9 janvier lors de sa conférence annuelle à Rome sur le fait de savoir si le contrat avec Space X constituait une « dangereuse ingérence », Meloni a répondu par la négative. « Le problème, c’est (plutôt) quand des gens riches utilisent leurs ressources pour financer des partis et des associations, ainsi que des politiciens, dans le monde entier pour influer sur les choix politiques des États », a-t-elle affirmé. « Ce n’est pas ce que fait Musk. Elon Musk a financé une campagne électorale dans son pays, pour son candidat, dans un pays où, je note en passant, cela est assez courant », a-t-elle observé.
Et d’enfoncer le clou : dans un entretien avec le supplément hebdomadaire d’Il Corriere della Sera publié vendredi 10 janvier, Giorgia Meloni affirme entretenir « d’excellentes relations » avec Musk, qu’elle décrit comme « un génie » et « un innovateur extraordinaire et qui a toujours le regard tourné vers l’avenir ».
Simple fascination pour le « génie » de l’homme le plus riche du monde ? Blaise Pascal n’avait-il pas écrit dans ses Pensées que « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point » ?