Prenons une distance critique pour définir le régime tunisien durant cette conjoncture particulière.
Un régime présidentiel de fait : Le régime présidentiel n’est pas institué officiellement en Tunisie. Mais de fait, le Président tient les leviers du pouvoir, nomme les ministres et gère la gouvernance.
L’opinion publique semble désintéressée. Point de manifestations de rues, mais la popularité du Président est évidente. Comment l’expliquer ? Vraisemblablement, de l’honnêteté qu’on accorde volontiers à un membre du corps enseignant. D’autre part, le Président est actif. Il s’intéresse au vécu des citoyens, tente de traiter la pénurie des matières élémentaires. Ses visites des quartiers de Tunis et des régions et ses dialogues, dans ces circonstances avec les citoyens, sont bien appréciés.
La domination masculine : En dépit du Code du statut personnel, adopté par le leader Habib Bourguiba, qui était en avance sur les structures de sa société, abolissant la discrimination, la domination masculine est effective. Fait évident, les rapports de force remettent en cause le statut. Exemple significatif : le Président a procédé à la nomination d’ambassadeurs, 7 hommes et une seule femme.
Alors que l’Union des femmes tunisiennes semble accepter cet état de fait, la jeune Association des femmes démocrates joue un rôle d’avant-garde dans le combat féministe. L’hégémonie masculine reste le point faible du régime.
Le retour du bourguibisme : Le projet de société du leader et son idéaltype ne sont guère occultés. Il ne s’agit pas d’effectif électoral, mais d’une idéologie dominante. Habib Bourguiba était certes en avance sur les structures de son époque. Mais sa pensée est désormais bien enracinée, suite à l’échec d’Ennahdha, qui souhaitait l’annihiler. La Tunisie a mis fin à la décennie islamiste, discrédité les structures de la Troïka et combattu le passéisme. La jeunesse est soucieuse de construire son avenir.
La restauration du statut du pays : Durant l’ère bourguibienne, la Tunisie était l’objet de considération dans le monde. Fut-elle un petit pays, elle était toujours consultée par les instances internationales. Le printemps arabe et la révolution du Jasmin l’ont marginalisée. Elle vécut une conjoncture de dépendance, étant soumise aux velléités d’intervention des pays du Golfe et du régime ottoman. Elle a retrouvé son statut d’antan, développant ses relations avec l’Europe, toutes les puissances et les pays de l’aire arabo-islamique. La visite le 11 janvier du ministre des Affaires étrangères de Chine, après celle de son collègue russe, font valoir son statut d’un pays écouté par les grands. Mais pourrait-elle échapper aux foyers de tension en Libye et en Afrique subsaharienne ?
La restauration de l’économie tunisienne : Fait important, la Tunisie a payé ses dettes. Elle bénéficie d’un important apport de devises qui proviennent essentiellement du tourisme, en plein développement cette année et de l’argent envoyé par les Tunisiens vivant à l’étranger. Mais vraisemblablement, l’argent sale provenant du commerce de la drogue n’est pas négligeable, d’après la chaine al-Janoubya (17 novembre 2023). Mais il reste difficile à évaluer.
Son budget de 2024 est équilibré. Mais la rubrique investissement reste faible.