Le Sahara occidental et la mise à l’écart du Maroc dans des négociations sur l’avenir de la Libye sont au cœur de la crise diplomatique entre Rabat et Berlin. S’agit-il d’un coup de gueule de la part des autorités marocaines ou de prémices d’un divorce consommé?
Les signes précurseurs d’une crise diplomatique étaient là. N’empêche que l’annonce tombe comme un couperet. En effet, une note provenant du ministère des Affaires étrangères du Maroc annonce la « suspension de tout contact avec l’ambassade d’Allemagne à Rabat ». Laquelle note supposée être à usage interne a bizarrement fuité sur les réseaux sociaux. Par hasard?
Politique du coup de menton passager de la part des autorités marocaines? Sachant que, dans les codes diplomatiques, cette décision ne signifie pas une rupture des relations diplomatiques des deux pays?
Malaise
« Le Maroc souhaite préserver sa relation avec l’Allemagne, mais c’est une forme d’alerte exprimant un malaise sur de nombreuses questions. Il n’y aura pas de contact tant que des réponses ne seront pas apportées sur différentes questions qui ont été posées ». Ainsi menaçait un haut diplomate marocain joint par une agence de presse étrangère.
De quoi s’agit-il au juste? En fait, de deux dossiers qui irritent au plus haut point Rabat.
La marocanité du Sahara contestée par Berlin
D’abord, en dépit de la reconnaissance spectaculaire par Donald Trump de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, en contrepartie de la normalisation du Maroc avec l’Etat hébreu, Berlin n’a pas caché son hostilité à cette décision. Car elle la juge unilatérale et hors cadre de la légalité internationale.
En effet, « la position du gouvernement allemand sur le conflit du Sahara occidental n’a pas changé. Nous sommes déterminés à parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable sous la médiation des Nations unies ». C’est ce que rappelait la chancellerie allemande, un jour après l’annonce américaine.
De son côté, l’ambassadeur allemand à l’ONU s’exprimait le 24 décembre dernier. Il déclarait dans ce contexte: « Il faut être juste, il faut être impartial. Il faut avoir à l’esprit l’intérêt légitime de toutes les parties et il faut agir dans le cadre du droit international. » Puis il martelait: « La solution définitive du problème doit s’effectuer dans un cadre onusien. Et ce, conformément aux résolutions internationales y afférentes ».
L’Allemagne a par ailleurs demandé une réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation au Sahara juste après la proclamation de Trump.
Le Maroc pris d’en haut?
Ensuite, le deuxième point de friction entre les deux pays concerne la mise à l’écart de Rabat dans des négociations sur l’avenir de la Libye; lors d’une conférence organisée à Berlin en janvier 2020.
Pour rappel, Berlin qui devait accueillir tous les pays utiles à la résolution du conflit libyen ignora le Maroc. Le pays avait, à l’époque, officiellement exprimé son « profond étonnement »; et ce, via un communiqué des Affaires étrangères.
Il est vrai que l’Allemagne a d’ailleurs essayé de se rattraper en octobre 2020, en adressant une invitation au Maroc. Lequel, à l’instar de la Tunisie, déclina l’invitation.
« Le royaume a toujours été à l’avant-garde des efforts internationaux pour la résolution de la crise libyenne. Le royaume ne comprend ni les critères, ni les motivations qui ont présidé au choix des pays participant à cette réunion ».
Ce « pays hôte qui, loin de la région et des complexités de la crise libyenne, ne saurait la transformer en instrument de promotion de ses intérêts nationaux ». C’est ainsi qu’arguait un site d’information proche du gouvernement marocain.
La loi du plus fort
Alors, reste la question de savoir si le Maroc peut se permettre le luxe de couper définitivement les ponts avec le puissant partenaire allemand? Sachant qu’il s’git de son troisième partenaire commercial, après l’Espagne et la France.
Rien n’est moins sur. D’autant plus que Berlin vient de débloquer une enveloppe de 1,387 milliard d’euros d’appui financier. Dont 202,6 millions d’euros sous forme de dons, le reste sous forme de prêts bonifiés. Et ce, en soutien aux réformes du système financier marocain et en aide d’urgence pour la lutte contre la Covid-19.
Business oblige.