Au cours de la campagne électorale qui l’a opposé à Hilary Clinton, Trump a été clair sur sa volonté de désengager les Etats-Unis du Moyen-Orient pour mieux se concentrer sur les affaires nationales au nom du fameux principe : « l’Amérique d’abord». Il était allé jusqu’à dénoncer en 2013, dans des tweets agressifs, la décision a minima de Barack Obama d’intervenir en Syrie via des bombardements aériens sans l’accord préalable du Congrès. La victoire de D. Trump et sa prise de fonction à la Maison-Blanche devaient ainsi sonner la fin des «aventures extérieures».
Quelques semaines après avoir prêté serment à Washington, le retournement est brutal : malgré ses positions non interventionnistes, il a décidé sans l’accord du Congrès ni mandat de l’ONU, de lancer des frappes contre des infrastructures militaires syriennes. Ce revirement, justifié officiellement par l’attaque chimique imputée au régime syrien qui a fait 87 morts, à Khan Cheikhoun – avec les images d’enfants gazés – a pris de court la communauté internationale en général et la Russie de Poutine en particulier. Il confirme le caractère imprévisible de la présidence Trump. Toutefois, ne faut-il pas voir derrière ces frappes punitives contre le régime syrien et ce « coup diplomatico-militaire », un but politique d’ordre purement interne : masquer une entrée en matière calamiteuse de son mandat présidentiel marqué par une incapacité à faire adopter des décisions-phares de son programme (fin de l’ « obamacare » par exemple) ?
En partie vraie, l’hypothèse ne saurait expliquer ce qui se joue fondamentalement. Car au-delà du caractère encore relativement illisible de la stratégie américaine, on semble assister à un tournant teinté d’une clarification en faveur d’une ligne interventionniste. En atteste l’annonce concomitante du départ de M. Bannon du Conseil de sécurité nationale : l’exclusion de cette figure de proue de la ligne isolationniste et nationaliste marque symboliquement et formellement le tournant pris par le discours des Etats-Unis en Syrie et ainsi la nouvelle tonalité de sa politique étrangère. Un interventionnisme prôné et incarné par certaines figures de la nouvelle Administration américaine : le gendre et conseiller du président, Jared Kushner, le secrétaire d’Etat Rex Tillerson et le secrétaire à la Défense James Mattis.
Sauf que ce coup diplomatico-militaire ne semble s’inscrire ni dans une stratégie d’ensemble, ni dans une volonté d’engagement politique renforcé dans la sortie du conflit syrien. Sa complexité même semble échapper aux nouveaux hôtes de la Maison-Blanche. La Syrie est le théâtre d’une confrontation multidimensionnelle: confessionnelle, certes, mais surtout géopolitique, opposant des puissances locales, régionales et internationales aux intérêts antagonistes. Si l’intensification de l’intervention américaine devait se vérifier, un flou saisissant demeure au sujet des raisons, des modalités et des objectifs précis d’une telle entreprise. A elle seule, la décision d’extension des frappes aériennes n’ouvre nulle perspective stratégique et politique en vue de sortir la région du chaos dans lequel elle est plongée. Une impasse qui tend à affaiblir la crédibilité et l’efficacité de cette stratégie unilatérale. Malgré le soutien diplomatique des alliés occidentaux, les Etats-Unis de Trump se retrouvent à la case départ de l’ère Obama : sont-ils prêts à franchir le Rubicon de l’intervention militaire au sol ?
Il faut donc briser les ressorts du “soutien populaire” dont peut se targuer Daech en permettant aux sunnites de réintégrer le système politique en Irak et en Syrie. Cette dernière condition suppose que Bachar al-Assad quitte le pouvoir à Damas. Hypothèse rendue difficile par l’incapacité de prolonger l’effort militaire par l’ouverture d’un front diplomatique basé sur des négociations qui incluent les puissances régionales et internationales parties prenantes : la Russie, mais aussi l’Iran et les monarchies du Golfe.
Ainsi, derrière une capacité militaire toujours aussi inégalée, les Etats-Unis – de Trump comme d’Obama – sont confrontés à ce paradoxe : leur statut de première puissance mondiale ne leur permet pas pour autant de régler seuls les affaires du monde. Autrement dit, les frappes militaires décidées unilatéralement par Donald Trump sont révélatrices de sa propre impuissance en Syrie, où la première puissance mondiale est dans l’ incapacité de définir et à imposer une solution politique …
Derrière les frappes américaines se trouvent un objectif stratégique.Il s’agit de défendre les Etats princiers du golfe,de sauvegarder leur domination politique et sociale et lutter contre la propagation de la modernité et des libertés. En menant une attaque contre la Syrie, la nouvelle administration américaine se met au service d’Israël, et des familles royales. Mais ne faut-il pas voir dans l’attaque américaine un message adressé aux arabes du golfe pour les intimider,et s’emparer en politesse, de leur fortune placée dans les banques américaines.