Sauvés par le gong ? C’est du moins l’impression qui prévaut au regard de l’empressement, voire de la précipitation des autorités à faire voter la nouvelle loi bancaire pour s’attirer les bonnes grâces du FMI qui n’en demande pas moins. Le gouvernement a tenu ses engagements. Le Fonds en a fait autant. Il versera bientôt la première tranche d’un crédit de 2,8 milliards de dollars étalé sur trois ans.
L’injection de plus de 300 millions de dollars – près de 650 millions de dinars – éloigne pour un temps le spectre d’un scénario cauchemardesque. Cet appel d’air in extremis ne fait que reculer les échéances. Il ne résout pas le fond de nos problèmes qui sont d’ordre structurel. On s’accorde un répit de courte durée qui n’est pas, du reste, sans alourdir la facture de la dette extérieure.
La dette, un mal nécessaire ? La vérité est qu’elle a depuis plus de cinq ans perdu toutes ses vertus à cause de l’usage qu’on en a fait. Elle ne prend plus le chemin de l’investissement. On s’endette depuis pour faire face à l’urgence du moment. On s’en sert pour l’essentiel pour payer les salaires dans la Fonction publique qui – fait unique au monde – accaparent 50 % du budget de l’Etat et pour rembourser le service de la dette. On s’endette en somme à coûts croissants pour consommer : ce qui revient, face à l’affaissement de l’investissement et de la production, à creuser le déficit de la balance commerciale et à alourdir… le poids de la dette extérieure. On en est réduit à cela. Le risque est qu’à cette allure et de cette manière la dette, ce mal nécessaire, finira par emporter le malade.
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Il y a tout à craindre de cette inflation de la dette – extérieure notamment – dont le remboursement pose déjà problème. Elle est beaucoup moins soutenable qu’il n’est dit ou qu’il n’y paraît. Elle est de l’ordre de 54% du PIB, loin d’atteindre il est vrai les taux astronomiques de pays parmi les plus industrialisés qu’on se plaît à citer ici et là pour se donner bonne conscience, se dédouaner et se justifier. Ici sans doute plus qu’ailleurs, les chiffres sont trompeurs, ils occultent la triste réalité et la gravité du poids de la dette. Le fait est qu’il faut rembourser en monnaie étrangère, en devises fortes. Et c’est là que le bât blesse : le pays a de plus en plus de mal – si tant est qu’il s’y emploie énergiquement – à s’en procurer par ses propres ventes à l’étranger. Et pour cause. L’investissement est en situation d’attente quand il ne déserte pas les lieux. L’économie s’enfonce dans la récession ; les exportations sont en perte de vitesse, insensibles même à la dépréciation du dinar qui part à la dérive. Les dévaluations compétitives ne peuvent à elles seules redresser la courbe des exportations et moins encore freiner les importations qu’elles contribuent, en revanche, à renchérir. Pour l’heure, on enregistre surtout les effets pervers sur l’inflation importée.
Alors ultime question : emprunter pour quoi faire si ce n’est que pour laisser le pays mourir de plaisir. Aujourd’hui, le recours à l’endettement à cause de l’usage qui en est fait nuit à notre socle productif plus qu’il ne contribue à le renforcer. Il bloque et retarde les nécessaires réformes structurelles sans lesquelles le pays ne peut revenir dans le groupe des émergents. Il faut plus que des calmants –chèrement payés – aux effets limités quand l’investissement et l’entrepreneuriat, déjà tétanisés par les troubles sociaux et l’incertitude politique, sont de surcroît empêchés de se déployer sur une plus vaste échelle par une administration incapable de se réformer, d’adapter ses instruments de gouvernance aux exigences des économies mondialisées soumises au feu roulant de la compétition internationale.
La dette ? Oui bien sûr sans quoi, aucune relance n’est possible dans l’immédiat, mais pas que cela. Elle doit impérativement servir à amorcer la pompe de l’investissement. Le pays doit se remettre au travail. Il ne peut vivre à crédit, au-dessus de ses moyens, sans se mettre – avec les conséquences que l’on imagine – sous la coupe d’organismes financiers ou de pays dont on connaît les exigences et les convoitises. La puissance publique, dont on comprend mal le silence, doit le dire haut et fort pour se faire entendre. Car il y va aussi et surtout de notre dignité.