Le chômage des diplômés en Tunisie découle principalement d’un décalage entre la formation universitaire et les attentes du marché du travail. Ce constat a été formulé par Walid Mchirgui, enseignant-chercheur à l’Université de Carthage, lors de son intervention sur les ondes de RTCI le 19 décembre 2025. Selon lui, de nombreux employeurs peinent à recruter, non par manque de postes, mais par absence de profils suffisamment préparés.
Les diplômés et les étudiants tunisiens maîtrisent globalement les savoirs académiques fondés sur la mémorisation et la restitution. En revanche, ils éprouvent des difficultés dans l’analyse, la réflexion critique et la résolution de problèmes. Ces compétences relèvent du savoir-faire et du savoir-être, désormais essentiels dans le monde professionnel. Les recruteurs accordent une importance croissante aux comportements. Une lacune technique peut se corriger. Un déficit comportemental beaucoup moins.
Les enquêtes internationales, notamment PISA, mettent en évidence des faiblesses en autonomie, discipline et coopération. Le système éducatif valorise principalement la note et la conformité aux consignes. Il accorde peu de reconnaissance à l’effort, à l’initiative et à la capacité à développer une méthode de travail personnelle.
Une culture scolaire peu favorable à l’autonomie
Le parcours scolaire reste fortement encadré. L’enseignant indique souvent chaque étape à suivre. Cette approche limite l’apprentissage de l’autonomie et de la prise d’initiative. Les étudiants apprennent à appliquer des consignes plutôt qu’à construire leur propre raisonnement. L’innovation et les approches alternatives sont rarement encouragées.
L’intervenant estime que cette organisation nourrit également une forte peur de l’erreur. L’échec est perçu comme une faute et non comme une étape d’apprentissage. Cette perception freine la prise de risque, l’innovation et l’esprit entrepreneurial. Elle limite aussi la capacité à assumer des responsabilités dans le monde professionnel.
Des difficultés persistantes en communication et en travail d’équipe
Les employeurs signalent régulièrement des lacunes en communication orale chez les jeunes diplômés. Les cursus universitaires accordent peu de place à l’expression, à l’argumentation et à la prise de parole. Or, le diplôme ne suffit pas à convaincre. Le candidat doit savoir présenter ses compétences, défendre ses idées et interagir efficacement.
Le travail en équipe pose également problème. Le système éducatif privilégie le travail individuel. Cette approche complique l’apprentissage de la coopération. Dans le monde de l’entreprise, cette difficulté se traduit par des tensions, une mauvaise répartition des tâches et un manque de coordination.
Le choc de l’entrée dans le monde professionnel
Le passage de l’université à l’entreprise constitue souvent une rupture brutale. Le cadre académique repose sur des consignes claires et des évaluations prévisibles. Le monde professionnel impose l’imprévu, l’analyse et la prise de décision rapide. De nombreux jeunes diplômés se retrouvent démunis face à ces exigences.
Le diplôme demeure un atout important, notamment pour l’accès à l’emploi et la négociation salariale. Toutefois, il ne garantit plus l’employabilité à lui seul. Les entreprises évaluent désormais les compétences techniques et comportementales de manière indissociable.
Face à ce constat, Walid Mchirgui appelle à une réforme en profondeur des méthodes d’enseignement et d’évaluation. Il plaide pour des approches pédagogiques qui valorisent l’analyse, l’apprentissage par l’erreur et le développement des compétences transversales. Il encourage également les étudiants à adopter une démarche proactive. Les stages, l’engagement associatif et les formations complémentaires constituent des leviers essentiels pour renforcer l’employabilité. Selon lui, l’adaptation au marché du travail repose sur un équilibre entre qualification académique et savoir-être. Cet équilibre conditionne désormais l’insertion et l’évolution professionnelles.