Invité sur RTCI ce 4 novembre 2025, Adrien Thibault, chercheur sociologue à l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), a présenté un projet collectif qui réinscrit la Palestine dans l’histoire et les luttes du Maghreb.
Depuis le début du génocide en 2024, l’équipe internationale de l’IRMC à Tunis s’est mobilisée autour d’une interrogation fondamentale : quelle est la place des chercheurs face à la tragédie palestinienne ? La réponse a pris la forme d’un cycle de tables rondes et d’une publication scientifique inédite, la lettre de l’IRMC de septembre, consacrée à penser la question palestinienne depuis le Maghreb.
Le projet est né d’une réflexion approfondie au sein de l’institut. Adrien Thibault explique que l’équipe, composée principalement de chercheurs tunisiens et français, ne comptait aucun spécialiste direct de la Palestine. Pourtant, tous se sentaient profondément concernés par les événements en cours. La question de la légitimité scientifique s’est alors posée avec acuité, donnant lieu à des débats internes nourris.
La solution est venue d’un déplacement de perspective. Plutôt que d’aborder la Palestine de l’extérieur, l’équipe a choisi de la saisir depuis son terrain de recherche habituel, le Maghreb. Cette approche a révélé une évidence : la question palestinienne n’est pas exogène à la région maghrébine, elle en fait partie intégrante depuis les débuts du sionisme à la fin du XIXe siècle.
Une publication interdisciplinaire accessible à tous
La lettre de l’IRMC, coordonnée par Adrien Thibault, rassemble les contributions de chercheurs de plusieurs pays, dont des collègues de l’université de Birzeit en Palestine, de Cambridge, et d’universités algériennes. Le format choisi se veut à la fois rigoureux et accessible, avec des textes courts, peu jargonnants, richement illustrés .
Cette publication gratuite et téléchargeable sur le site de l’IRMC propose un PDF interactif permettant de naviguer entre différentes ressources. Le choix du numérique répond à une volonté de large diffusion et d’ouverture au plus grand nombre.
La comparaison entre l’Algérie et la Palestine occupe une place centrale dans la publication. Raouf Farrah développe le concept de colonialisme de peuplement, tandis qu’Abaher Sakka, sociologue palestinien renommé, nuance la comparaison en soulignant les divergences. Arthur Asseraf, historien à Cambridge, apporte un éclairage historique fascinant en révélant comment Ben Gourion, dans les années 1960, conseillait à Charles de Gaulle d’appliquer en Algérie les méthodes utilisées en Palestine, allant jusqu’à proposer une partition du territoire algérien.
Au-delà des comparaisons, la publication explore comment la cause palestinienne circule au Maghreb. Le texte d’Ines Slami examine l’appropriation de cette cause dans l’histoire des luttes sociales au Maroc, illustrant comment Palestine et Maghreb sont liés par des solidarités militantes transfrontalières.