Si le pétrole était la ressource star qui alimentait le monde au siècle dernier, les terres rares lui ont volé la vedette en devenant l’élément central et indispensable sur lequel reposent l’économie mondiale et la transition énergétique d’aujourd’hui. Ces métaux sont essentiels à la fabrication des véhicules électriques, des éoliennes, du matériel high-tech, des satellites et même des missiles.
Avec environ 69% de l’extraction et 91% du raffinage des terres rares, la Chine dispose du plein pouvoir sur les chaines d’approvisionnement, selon l’Agence internationale de l’énergie. L’économie américaine, fortement dépendante de ces inputs, bien qu’elle en soit le deuxième pays producteur, ne représente que 14% de part du marché de ces métaux.
L’annonce le 9 octobre des autorités chinoises de renforcer les contrôles à l’exportation des terres rares, a été une véritable bombe pour les pays importateurs. La réplique de l’administration américaine d’instaurer des tarifs douaniers supplémentaires sur les produits chinois de 100% a aggravé le choc et a fait plonger les indices boursiers de Wall Street, provoquant ainsi la faillite de plusieurs investisseurs dans le domaine technologique.
Cette manœuvre chinoise peut traduire un double objectif, à la fois de court et de long terme. D’une part, Pékin utilise ces métaux pour s’affirmer dans la guerre commerciale et renforcer son pouvoir de négociation contre Washington, lors de leur éventuelle rencontre au sommet de l’APEC. D’autre part, en limitant ses exportations de terres rares, la Chine pourrait accélérer le développement de sa puissance militaire plus rapidement que les États-Unis et garantir de ce fait sa suprématie technologique et militaire pour les années à venir. Dans cette nouvelle guerre des Titans, où les terres rares constituent le principal fuel, l’Afrique, riche en ces métaux, est de nouveau convoitée par les pays qui veulent se libérer de la dépendance chinoise.
Ce continent, fortement exposé aux vulnérabilités sociales et aux risques climatiques, se retrouve une fois de plus confronté à un dilemme : se contenter de la simple extraction de ces matériaux rares, reproduisant ainsi la malédiction passée des ressources naturelles pour sombrer davantage dans les méandres de la pauvreté et de la dépendance économique, ou plutôt, investir dans le raffinage et transformer cette nouvelle manne en un levier de prospérité durable !?
Par Lamia Jaidane-Mazigh
Cette analyse est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 930 du 22 octobre au 5 novembre 2025