Parmi la multitude de données économiques publiées chaque année, certaines passent inaperçues alors qu’elles sont particulièrement révélatrices. C’est le cas des revenus distribués par l’ensemble des opérateurs économiques, qu’il s’agisse de l’État ou du secteur privé.
En 2024, le total des dividendes, intérêts et autres revenus distribués a atteint 37,501 milliards de dinars. À titre de comparaison, la masse salariale brute nationale s’est élevée à 55,056 milliards de dinars la même année. Cela donne une idée de l’ampleur des revenus du capital dans l’économie tunisienne et fournit un élément de réponse sur la fameuse question « d’où est-ce que les gens apportent de l’argent ? ».
En 2020, ces revenus distribués ne représentaient que 24,295 milliards de dinars, et leur progression s’est fortement accélérée à partir de 2022.
Les intérêts, en particulier, ont explosé, passant de 14,880 à 23,322 milliards de dinars en 2024. Ce bond s’explique principalement par le recours accru à l’endettement local par l’État, à des taux historiquement élevés, et par la politique monétaire restrictive menée par la Banque centrale de Tunisie. Il y a aussi la dette bancaire et les engagements auprès du secteur du leasing qui ne cessent de croître, respectivement de 112,728 et 4,600 milliards de dinars fin 2024. En conséquence, les épargnants ont vu leurs revenus croître significativement.
Quant aux dividendes versés en 2024, ils ont totalisé 14,179 milliards de dinars, en hausse de seulement 0,9% par rapport à 2023. Cette quasi-stagnation traduit une réalité économique plus complexe : si les revenus des entreprises ont bénéficié de l’effet prix, cet avantage a été largement absorbé par l’augmentation des coûts de production et une pression fiscale accrue.
L’État tire également profit de cette dynamique. En percevant 10% sur les dividendes et 20% sur les intérêts, il a engrangé près de 5,800 milliards de dinars de recettes fiscales en 2024.
Par ailleurs, bien que l’État ait dû verser 4,096 milliards de dinars d’intérêts sur la dette locale en 2024, le solde reste réellement positif sur ce poste budgétaire. À court terme, un contexte de taux élevés peut donc s’avérer bénéfique pour les finances publiques, du moins tant que l’endettement reste maîtrisé. Mais sur le long terme, c’est destructeur pour la valeur.