Que se cache-t-il derrière la volonté de Donald Trump de « récupérer » la base aérienne de Bagram ? Le président américain précise qu’elle se situe à « une heure » d’installations nucléaires chinoises stratégiques. Mais il omet d’évoquer les minerais stratégiques, objets de sa friandise, dont regorge ce pays.
Donald Trump n’en est pas à une contradiction près. Après avoir négocié et planifié avec les talibans le départ en catastrophe des derniers soldats américains lors de son premier mandat; le président américain veut désormais récupérer Bagram, la principale base aérienne en Afghanistan près de Kaboul. Laquelle avait été le centre névralgique de l’effort de guerre des Occidentaux dirigés par les Etats-Unis contre les talibans.
Située à 50 kilomètres de Kaboul, Bagram, la plus grande base aérienne d’Afghanistan, a servi aux Américains à mener des opérations pendant les deux décennies qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001 et l’invasion du pays par une coalition internationale menée par les Etats-Unis. En juillet 2021, les troupes américaines et celles de l’OTAN s’en sont retirées, suite à la prise du pouvoir par les talibans qui avaient pris le contrôle de vastes portions de l’Afghanistan, avant de s’emparer finalement du pays tout entier le mois suivant.
La base aérienne avait été construite avec l’assistance de l’URSS dans les années 50, agrandie par les États-Unis pendant la Guerre froide, puis grandement développée et utilisée par les Soviétiques lors de leur invasion de l’Afghanistan, de 1979 à 1989.
Dans les années 2010, l’immense base ultra-sécurisée qui possédait l’une des plus longues pistes construites en béton lourd et en acier et qui disposait d’une piste de 3.6 kilomètres, capable d’accueillir des bombardiers et de gros avions de transport, fonctionnait comme une véritable ville avec ses supermarchés, ses restaurants fast food et même une prison.
Menaces
« Si l’Afghanistan ne rend pas la base aérienne de Bagram à ceux qui l’ont construite, les Etats-Unis d’Amérique, des choses graves vont se produire !!! ». Ainsi a écrit le locataire de la Maison Blanche, samedi 20 septembre, sur sa plateforme Truth Social. Tout en arguant que cette base militaire est située « à une heure de l’endroit où la Chine fabrique ses armes nucléaires ».
Interrogé dans la soirée de samedi par des journalistes à la Maison Blanche pour savoir s’il envisageait d’envoyer des troupes américaines pour reprendre Bagram, il a affirmé : « Nous sommes actuellement en pourparlers avec l’Afghanistan, nous voulons récupérer cette base, et nous la voulons rapidement, immédiatement. Et s’ils ne la rendent pas, vous allez découvrir ce que je compte faire », a-t-il tonné, sans toutefois donner plus de détails.
A cet égard, notons qu’à la surprise générale, le président américain avait déjà évoqué l’idée d’une restitution de la base de Bagram, lors d’une conférence de presse avec le premier ministre britannique, Keir Starmer, au dernier jour de sa visite d’Etat au Royaume-Uni.
Réponse cinglante de la part du gouvernement afghan qui exclut toute possibilité de restituer la base : « Un accord sur ne serait-ce qu’un centimètre carré du sol afghan est impossible ». C’est ce que déclarait pour sa part, dimanche dernier, Fasihuddin Fitrat, chef de cabinet du ministère de la Défense, cité par les médias locaux.
L’obsession du péril jaune
Ainsi, le 47ème président des Etats-Unis justifie sa volonté de récupérer Bagram essentiellement pour la proximité de cette base aérienne avec la Chine.
En effet, durant sa dernière campagne électorale, il avait affirmé que Bagram était sous le contrôle de l’Armée populaire chinoise. De plus, lors de sa première réunion du cabinet, après avoir pris ses fonctions pour son deuxième mandat présidentiel, il déclara que dans son plan de retrait d’Afghanistan « nous garderions Bagram, non pas à cause de l’Afghanistan, mais à cause de la Chine. Car la base est à une heure de l’endroit où la Chine produit ses missiles nucléaires ».
Trump faisait référence au site d’essais nucléaires de Lop Nur, situé à 2 000 kilomètres de l’autre côté de la frontière, dans la région nord-ouest du Xinjiang. Sachant que ce bâtiment était le site où la Chine a testé sa première bombe nucléaire il y a près de 60 ans. Mais aussi que les images satellites montrent une expansion des bâtiments et des routes autour de la zone depuis 2017. Cela étant, le site n’est pas connu comme un centre de production d’armes nucléaires, car la production chinoise serait concentrée dans la partie centrale du pays.
Pour rappel, la Chine a rapidement étendu ses forces nucléaires ces dernières années, suscitant l’inquiétude du Pentagone. Celui-ci soulignant que l’Armée populaire chinoise avait augmenté son arsenal nucléaire à 600 ogives nucléaires à la mi-2024, soit une augmentation de 20 % par an.
Convoitise
Mais, faut-il rappeler que Donald Trump, en homme d’affaires avisé, ne s’intéresse pas à l’Afghanistan que pour des raisons militaires et stratégiques. Il lorgne en vérité les richesses enfouies sous le sol afghan qui recèle en effet un trésor minéral estimé à près de 1 000 milliards de dollars, dont du cuivre, du lithium, du cobalt. Sachant que ces minerais stratégiques sont indispensables à la transition énergétique et aux technologies de pointe : batteries électriques, smartphones, éoliennes, panneaux solaires; mais aussi armement de haute technologie et composants pour l’intelligence artificielle. Problème : la Chine contrôle plus de 80 % de la production et du raffinage mondial.
C’est dans cette perspective que l’Afghanistan représente aux yeux de Donald Trump une opportunité de choix. En s’intéressant à ces terres rares, il fait d’une pierre deux coups : réduire la dépendance de son pays à l’égard de Pékin; et sécuriser un approvisionnement jugé vital pour l’industrie et la défense américaine. Qui dit mieux ?