Encore une fois, le déficit commercial se creuse en 2025. Il est désormais à -5 050,5 MTND en trois mois. Une simple opération de multiplication, qui n’est pas nécessairement exacte, nous renvoie à un trou de 20 milliards de dinars d’ici la fin de l’année.
Analyser la tendance est un élément clé pour un pays qui a des difficultés dans la mobilisation de financements extérieurs. L’une des réalisations macroéconomiques majeures de 2024 fut un déficit inférieur à 2% de la balance courante. L’aggraver de nouveau sans que cela ne soit justifié par une croissance économique serait un pas en arrière.
Les activités exportatrices clés en manque de carburant
Sur le premier trimestre, les exportations ont reculé de 5,9% pour s’établir à 15 325,1 MTND. La baisse provient du secteur énergétiques (-34,0% à 601,4 MTND), avec la chute libre des ventes de produits raffinés (78,2 MTND fin mars 2025 contre 499,3 MTND une année auparavant), sans oublier l’effet du repli des prix de l’huile d’olive qui a coûté 437,5 MTND de moins dans nos exportations. Les phosphates poursuivent la perte de vitesse, avec une diminution de 8,6% en glissement annuel.
Le vrai point inquiétant concerne les Industries mécaniques et électriques (IME) qui ont reculé de 2,4%, et le secteur du textile, habillement et cuirs (-2,6%). Le secteur de l’automobile européen traverse une période difficile et il ne faut pas s’attendre à une année exceptionnelle pour les IME tunisiennes. Idem pour le textile qui se dirige vers une seconde année compliquée. Le départ de Benetton de la Tunisie suffit à lui seul de mettre les exportations du secteur sous pression.
Des signes positifs dans la composition des importations
Quant aux importations, elles ont augmenté de 5,5% à 20 375,5 MTND. À l’origine de cette hausse, il y a une plus grande demande des biens d’équipement (+18,3% à 3 685,9 MTND), des matières premières et demi-produits (+5,1% à 6 765,7 MTND), ce qui est une bonne nouvelle. Cela signifie des investissements et un renforcement de la production.
Les produits énergétiques ont affiché une baisse de 9,6% à 3 483,1 MTND, reflétant un contexte de prix favorable pour les pays importateurs de pétrole. En même temps, cela pourrait traduire un fléchissement de la production, ce qui n’est pas exclu.
In fine, le fait de voir les exportations des IME et du textile fléchir est synonyme d’usines qui ne tournent pas à plein régime. D’ailleurs, le fait que les importations de biens de consommation sont en hausse (+13,9% à 4 669,7 MTND) alors que l’inflation est élevée prouve que la production locale ne se porte pas bien.
L’Union européenne demeure notre premier client, absorbant 70,1% de nos exportations. Elle est également notre principal fournisseur, avec 42,9% de nos importations.
Deux cycles d’ici la fin de l’année
Les chiffres publiés montrent, sans aucun doute, que le déficit de cette année serait probablement un record. Sur les trois mois à venir, nous estimons qu’il va se creuser davantage et à grande vitesse. Les risques qui planent sur le commerce mondial, à cause des droits de douane américains, vont pousser les industriels à constituer des stocks dès aujourd’hui. C’est très important avant que les prix ne flambent et que les chaînes d’approvisionnement ne soient perturbées. La demande sur les matières premières, semi-finies et autres biens d’équipement devrait s’accélérer d’ici fin juin. Le solde s’enfoncerait ainsi dans le rouge.
Au passage, cela consommerait les réserves en devises. Actuellement couvrant 103 jours d’importation, le rythme de leur reconstitution serait plus lent. Non seulement il y a une sur-demande, mais le fait que la moyenne d’une journée d’importation va significativement augmenter aura un effet négatif sur ce ratio. Il ne faut donc pas s’inquiéter de le voir progresser plus lentement que prévu.
Durant la seconde moitié de l’année, le déficit va commencer à décélérer. Les industriels vont consommer les produits précédemment importés. De plus, si la croissance économique va piétiner en Europe, notre principal marché, c’est que les importations des matières premières pour les IME et le textile vont mécaniquement baisser. Le trou de la première moitié de l’année va progressivement se rétrécir, sans aucune garantie que l’atterrissage se fasse en douceur.
Le marché de change est une composante à prendre en considération. Si le dollar demeure faible, la facture des importations sera réduite. En même temps, un euro plus fort est plutôt dans notre intérêt, étant donné la répartition géographique de nos clients.
Cette même dynamique serait observée dans la balance des paiements et celle courante. Une probable détérioration à court terme ne doit pas être interprétée comme une catastrophe. Il faut la mettre dans toute une conjoncture qui n’est globalement pas favorable à la Tunisie. Il faut bien gérer cette période pour préserver les grands équilibres macroéconomiques.