L’année 2025 a été marquée par le come-back de Donald Trump sur la scène internationale. Une véritable onde de choc pour la géopolitique et la géoéconomie mondiale. Les fondements de l’ordre international post-Seconde Guerre mondiale et la mondialisation libérale sont en phase de délitement, de décomposition, de régression. Au-delà des fantasmes d’une 3e guerre mondiale ou d’un conflit nucléaire, l’instabilité et l’imprévisibilité seront bels et bien les maîtres mots de 2026.
Nous sommes entrés dans un monde « post-hégémonique », multipolaire et globalisé marqué à la fois par : l’absence de puissance hégémonique capable, seule, d’imposer un ordre; la redistribution de la puissance (en faveur de puissances du Sud) qui consacre un bouleversement des équilibres mondiaux et un décentrement des relations internationales; des puissances qui cèdent aux comportements unilatéralistes et qui ne cherchent plus à fonder leurs actions sur le droit international, de s’interroger sur la conformité de leurs actes avec les normes internationales, ni de tenter de les justifier.
Un tel environnement global nourrit un niveau élevé de conflictualité, d’imprévisibilité, d’instabilité et d’incertitude. La volatilité règne dans un monde chaotique, en phase de transition, où les Etats se préparent à faire la guerre et refondent les stratégies nationales de défense, dopent les dépenses d’armement; où la force semble toujours plus l’emporter sur le droit et limites qu’il prescrit, la guerre redevenant une voie de premier recours. Un double phénomène, inédit à cette échelle, se fait jour : la prolifération du nombre de théâtres de conflits et l’allongement de leur durée, alors que les plans de règlement pour les conflits en Ukraine et Gaza n’ouvrent pas de véritable perspective de paix durable et juste.
Ce désordre mondial n’est pas naturel, il procède de profonds ressorts : l’évolution de régimes politiques moins disposés à la « retenue stratégique », le déclin du « gendarme du monde » états-unien, la contestation de l’ordre international post-1945, l’affaiblissement des mécanismes du multilatéralisme (symbolisé par le blocage du Conseil de sécurité et la désuétude des opérations de maintien de paix), ainsi que la fin des illusions de la mondialisation libérale. L’art d’utiliser l’arme économique pour accroître sa puissance politique, très en vogue après la fin de la guerre froide, revient en force avec les ambitions chinoises réaffirmées et les politiques mercantilistes américaines. Une « guerre économique » qui nourrit l’insécurité globale.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la perspective d’un troisième conflit généralisé a hanté – et donc façonné – les relations internationales. Si la possibilité d’une Troisième Guerre mondiale a été envisagée dès la fin de la Seconde (certains officiers supérieurs américains considèrent sérieusement le risque d’un conflit avec l’URSS, qui est encore alors une alliée des Etats-Unis), ce spectre est surtout palpable en Occident, et de façon encore plus aiguë au sein des sociétés européennes, traumatisées par les deux conflits précédents dont le déclenchement respectif fut lié à la montée de nationalismes exacerbés.
La réaffirmation des puissances est aussi l’expression de néo-nationalismes tentés de faire renaître des empires. Les politiques impériales auxquelles nous faisons allusion (celle de la Russie, de la Chine et maintenant des Etats-Unis) se nourrissent d’un sentiment national que l’on excite, que l’on exacerbe en allant chercher dans l’histoire des peuples des morceaux du passé qui ont blessé la fierté nationale.
Enfin, si les relations internationales sont aujourd’hui difficiles à analyser, c’est également parce qu’elles ne se résument pas au jeu des puissances étatiques. Les acteurs privés transnationaux bénéficient aussi de la redistribution de la puissance. Dans un monde interconnecté et interdépendant, où la réalité stato-nationale et les relations interétatiques sont de plus en plus déstabilisées, ces acteurs non étatiques n’hésitent pas à contester et à concurrencer les monstres froids étatiques hérités de l’ordre westphalien. Les uns et les autres interagissent dans un environnement global marqué par de nouvelles dynamiques sociales, les innovations technologiques (avec l’entrée dans l’ère de l’intelligence artificielle permet la réalisation efficace d’opérations complexes dans divers domaines stratégiques) et le changement climatique.
La « fin de l’Histoire » n’est toujours pas inscrite à l’agenda mondial marqué par la fin simultanée de grands cycles historiques : l’occidentalisation du monde; l’hégémonie des États-Unis; l’ordre international institué en 1945; la mondialisation libérale. La phase de transition ainsi ouverte va de pair avec l’imprévisibilité de ses acteurs…