Les oliviers tunisiens n’ont jamais été aussi généreux : 500 000 tonnes d’huile attendues cette année sous l’effet d’une météo favorable. Mais cette manne se retourne contre ceux qui la produisent, dénonce Faouzi Zayani, président de Tunisie Oléiculture et expert en politique agricole.
Le principal problème réside dans un écart de prix considérable entre les cours internationaux et les offres faites aux exportateurs tunisiens. Alors que l’huile d’olive se négocie au-delà de 4,40 euros le kilogramme sur les marchés internationaux, soit l’équivalent de 15 dinars, les importateurs étrangers proposent entre 3 et 3,50 euros le kilo aux exportateurs tunisiens. Selon Faouzi Zayani, ces prix ne couvrent même pas le coût de production, qu’il estime entre 3 500 et 4 000 dinars par tonne, sans compter les frais de stockage.
Lors de son intervention sur les ondes radiophonique de RTCI, l’expert attribue cette situation à une faiblesse structurelle du secteur tunisien en matière de commercialisation et de marketing. En l’absence d’un programme solide dans ces domaines, les acheteurs étrangers continuent de déstabiliser le marché tunisien, bénéficiant d’une capacité financière supérieure. Faouzi Zayani assume toutefois que la responsabilité incombe d’abord aux acteurs tunisiens plutôt qu’aux acheteurs étrangers.
La prime de stockage proposée par l’Office National de l’Huile fait l’objet de vives critiques. Le montant actuel de 100 à 110 dinars par tonne pour une durée de trois mois est jugé largement insuffisant. L’expert recommande une prime d’au moins 500 dinars par tonne, versée à l’avance et prolongée sur six mois, afin de permettre aux producteurs de stocker leur production et d’attendre de meilleurs prix.
Faouzi Zayani appelle l’Office National de l’Huile à reprendre son rôle régulateur historique en acquérant une partie significative de la production nationale, soit environ 100 000 tonnes. Il estime que les capacités de stockage privées, qui dépassent 300 000 tonnes, peuvent compléter la capacité publique de 90 000 tonnes. Selon lui, une simple déclaration d’intention d’achat par l’État à des prix proches des cours internationaux suffirait à rééquilibrer le rapport de force en faveur des producteurs et à envoyer un signal clair aux importateurs étrangers.
Au-delà de la crise immédiate, l’expert soulève le problème structurel de l’exportation en vrac, qui représente 85% des volumes tunisiens. Cette pratique, apparentée à de la sous-traitance selon lui, fait perdre de la valeur ajoutée et nuit à l’identité de l’huile tunisienne. Il plaide pour une nouvelle politique commerciale privilégiant l’export conditionné, particulièrement pour l’huile d’olive biologique, domaine dans lequel la Tunisie pourrait se positionner comme leader.
Faouzi Zayani met en garde contre un risque d’abandon du secteur par les producteurs et une concurrence accrue d’autres pays qui développent leur oléiculture. Il regrette que la Tunisie n’exploite pas ses atouts historiques, géographiques et culturels pour se différencier sur le marché mondial.
Pour sortir de cette impasse, il propose à court terme une intervention urgente de l’Office National de l’Huile pour acquérir des volumes importants, accompagnée d’un financement adapté et rapide à faibles taux pour soutenir le stockage. À plus long terme, il suggère la création d’une agence nationale de l’exportation regroupant tous les acteurs concernés pour élaborer une stratégie cohérente.
Malgré les difficultés actuelles, l’expert reste optimiste sur les débouchés. Il estime que la production internationale ne couvre pas la demande mondiale, avec un déficit de 10% ou plus, ce qui obligera finalement les acheteurs étrangers à se tourner vers l’huile tunisienne. Il conclut en appelant les acteurs du secteur à assumer leurs responsabilités pour transformer cette abondance en véritable opportunité économique.