Jusqu’à fin novembre 2025, les exportations tunisiennes des produits textiles et habillements ont reculé de 1,4 %, en glissement annuel à 8 337,8 MDT. Cet affaiblissement n’est pas nouveau, le secteur ayant déjà subi une contre-performance de l’activité, avec une baisse de la valeur ajoutée de 5,2 % en 2024; contre une quasi-stagnation en 2023.
Sur les trois premiers trimestres de 2025, la valeur ajoutée a reculé de 2 % à 1 668,8 MDT. Cette tendance n’est pas surprenante et il faudra agir dès maintenant pour éviter une accélération d’ici 2030.
Le marché européen sous tension
La demande textile en Europe, notre principale destination, connaît des évolutions de taille ces dernières années. Elle est sous pression en raison de la faiblesse des dépenses des consommateurs, des coûts élevés et d’une forte concurrence des importations à bas prix, notamment la fast fashion. Aujourd’hui, on parle même de l’ultra-fast-fashion, avec ses modèles de fabrication et de logistique disruptifs qui ont réduit les coûts. Les nouvelles techniques de marketing ont stimulé la consommation, associées à une diminution significative du temps moyen de port.
Par ailleurs, le secteur fait face à des défis liés à l’inflation, à la politique commerciale et à la nécessité d’une intégration numérique. En Europe, la croissance du PIB devrait rester stable en 2026, soutenue par un marché du travail résilient et des taux de chômage stables. Malgré cela, les consommateurs devraient rester prudents et opter pour des produits moins chers dans toutes les catégories d’achat.
Les plateformes de la seconde main compliquent également le contexte pour les industriels.
L’opportunité de la durabilité
Cependant, il y a bien une fenêtre de tir dans certains segments qui offrent un potentiel de croissance. Il s’agit des textiles durables et techniques, les consommateurs montrant une préférence pour les tissus écologiques et performants.
En outre, avec le “Règlement sur l’éco-conception des produits durables“, entré en vigueur en juillet 2024, l’Union européenne ambitionne de garantir que tous les produits placés sur son marché soient conformes.
Les industriels qui veulent exporter vers le marché unique doivent appliquer des exigences strictes qui rendent les textiles plus durables, recyclables et circulaires d’ici 2030. Il y aura une interdiction de détruire les invendus dès 2026, l’introduction d’un passeport numérique pour la transparence et des règles plus strictes sur les allégations environnementales.
Besoin urgent d’investissements
Pour en profiter, la voie à suivre exige des investissements massifs et une mise à niveau technologique et industrielle à grande échelle. Le paysage montre des acteurs qui avancent à différentes vitesses, où coexistent des entreprises pionnières –déjà engagées dans la digitalisation et l’éco-conception – et un tissu plus traditionnel qui peine à franchir le pas par manque de ressources.
Les industriels tunisiens, particulièrement les PME qui forment l’ossature du secteur, ont un besoin crucial de soutien financier adapté. Il s’agit de subventions, de prêts à taux avantageux ou de fonds d’innovation. Sans cet appui, le risque est grand de voir se creuser un fossé entre une minorité modernisée et une majorité à la traîne, fragilisant ainsi toute la chaîne de valeur.
Au-delà du financement, il faut impérativement attirer des investisseurs étrangers de qualité afin de garantir un véritable transfert technologique et un partage de savoir-faire.
Ainsi, l’équation de la compétitivité future associe un soutien public et financier robuste aux acteurs locaux et une politique d’attraction ciblée d’investisseurs internationaux qui jouent le rôle de catalyseurs. C’est cette double dynamique qui permettra de préserver le site Tunisie, de monter en gamme et de capter une plus grande part de la valeur créée dans la chaîne textile mondiale.