Dans un monde où les frontières s’effacent au profit des alliances stratégiques, la diplomatie tunisienne émerge comme le pivot indispensable pour repositionner l’économie nationale dans le nouvel ordre mondial. Face à la paralysie du multilatéralisme post-Seconde Guerre mondiale et aux recompositions géopolitiques accélérées, elle n’est plus un simple outil de représentation, mais un levier concret pour ouvrir des portes commerciales, attirer des investissements et ancrer la Tunisie au carrefour méditerranéen, africain et arabe.
Ce débat riche, tenu lors de la 39ᵉ édition des Journées de l’Entreprise organisées par l’IACE à Sousse du 11 au 13 décembre 2025, entre Hatem Atallah ancien ambassadeur chevronné, et Fethi Sellaouti, professeur d’économie et ex-ministre de l’Éducation, illustre parfaitement cette interconnexion vitale entre diplomatie et économie.
Contexte du débat et positionnements initiaux
Modéré par Taoufik Habaieb, CEO du magazine Leaders, ce panel s’inscrit dans le thème global :« L’entreprise et le nouvel ordre économique ». Et ce, explorant la place de la Tunisie face aux mutations internationales.
Les intervenants répondent à des questions précises : le positionnement actuel diplomatique et économique, les créneaux disponibles dans l’économie mondiale, les actions nécessaires pour les saisir et l’unique mesure prioritaire si une seule était possible.
Analyse du positionnement diplomatique : une identité multidimensionnelle
Hatem Atallah définit le positionnement diplomatique actuel comme intrinsèquement pluriel : arabe, musulman, maghrébin, africain, méditerranéen. Au cœur de ces dimensions, la vocation méditerranéenne prime par l’histoire, les ambitions et les partenariats post-indépendance. « La Tunisie est au carrefour de toutes ces trajectoires », souligne-t-il, plaçant la primauté de l’intérêt et de la souveraineté nationaux au sommet des priorités. Dans un contexte de « grands bouleversements » sur la scène internationale, la diplomatie tunisienne doit pivoter vers un « multilatéralisme actuel », agile et recentré sur des orientations nationales inédites.
Hatem Atallah rétorque avec finesse : la diplomatie reflète les choix nationaux. Historiquement, elle a réussi, comme dans le développement industriel avec l’Allemagne du Nord via l’industrie automobile, ou les premiers pas à Tokyo. L’exemple est clair : les diplomates professionnels ouvrent les portes, préparent le terrain, identifient contacts et priorités. Ensuite, les entrepreneurs privés agissent.
Position économique : défis macro et saturation sectorielle
De son côté, Fethi Sellaouti dissèque les déséquilibres macroéconomiques persistants : chômage structurel prouvant l’obsolescence du modèle low-cost (textile, tourisme), délaissant l’agriculture céréalière malgré des choix passés comme la loi de 1972 ou l’essor touristique transitoire. Ces options ont résolu des problèmes immédiats mais saturé le potentiel, négligeant un secteur fondamental. Il plaide pour un retour à l’agriculture modernisée : numérique, intensive, bio pour l’export européen. Hatem Atallah, moins focalisé sur l’économique, renvoie à la nécessité d’une stratégie nationale globale pour guider la diplomatie.
Le tandem interroge les bénéfices mutuels : en quoi l’économie a-t-elle profité de la diplomatie ? A cette interrogation, Hatem Atallah insiste sur le rôle facilitateur, fier d’avoir accompagné les entreprises tunisiennes aux États-Unis. Des jeunes diplomates, souvent isolés (un couvrant Pakistan, Bangladesh, Afghanistan; un autre l’Éthiopie et 11 pays), « se battent » pour ouvrir des portes; malgré les moyens limités du ministère.
Créneaux accessibles : opportunités dans la transition mondiale
La question pivote sur les niches mondiales : secteurs en expansion (écologique, numérique, démographique, géopolitique). Fethi Sellaouti identifie les atouts tunisiens : un capital humain qualitatif (malgré les failles éducatives); une proximité européenne; des accords de libre-échange (UE, Afrique, bilatéraux arabes); un ensoleillement pour les renouvelables.
Hatem Atalhah complète par la création et le lancement d’un nano satellite spatial 100 % tunisien et d’un comité national créé sous Zine El Abidine Ben Ali, l’IA appliquée et les efforts épars. Ces créneaux exigent une diplomatie agile pour les soutenir.