«Les gens riches arriveront dans ce pays en achetant cette carte. Ils seront riches, ils auront du succès, ils dépenseront beaucoup d’argent, ils paieront beaucoup d’impôts et emploieront beaucoup de monde». Telle est la nouvelle approche de Donald Trump qui monétise de facto l’immigration vers son pays. Aux dépens des plus modestes.
Il faut admettre que M. Trump possède une qualité rare chez les hommes politiques : dire ouvertement et publiquement le fond de sa pensée, souvent d’une manière crue, voire blessante.
Pour s’en convaincre, prenons l’exemple de sa politique migratoire. Ainsi, dernièrement, le locataire de la Maison Blanche a annoncé clairement son intention de «suspendre définitivement l’immigration en provenance de tous les pays du Tiers-monde».
Sitôt dit, sitôt fait. Profitant d’un fait divers, une banale fusillade à Washington attribuée à un Afghan, l’administration du président républicain annonça dare-dare un nouveau tour de vis pour freiner les entrées sur le sol américain. Et ce, en suspendant toutes les demandes d’immigration pour les ressortissants de 19 pays (Afghanistan, Myanmar, Tchad, Congo, Guinée équatoriale, Érythrée, Haïti, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Yémen, Burundi, Cuba, Laos, Sierra Leone, Togo, Turkménistan et Venezuela). Or, il se trouve qu’à l’exception de l’Iran, la Libye et le Venezuela, les autres pays listés figurent parmi les plus pauvres de la planète. Un simple hasard ?
Rien d’étonnant puisqu’il avait promis de «chasser toute personne qui n’est pas un atout pour les États-Unis», de «dénaturaliser les migrants qui nuisent à la tranquillité nationale et d’expulser tout ressortissant étranger qui constitue un fardeau public, un risque pour la sécurité ou qui n’est pas compatible avec la civilisation occidentale».
Intrusion dans la vie privée
Faut-il pour autant taxer M. Trump de xénophobie primaire vis-à-vis de «ces pays de merde», selon son aimable expression ? Pas si vite, puisque même les visiteurs étrangers compatibles «avec la civilisation occidentale» – en l’occurrence les ressortissants de pays bénéficiant du programme d’exemption de visa : l’Australie, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, Israël, le Japon ou encore la Corée du Sud – devront désormais fournir aux services d’immigration américains l’historique de leurs activités sur les réseaux sociaux depuis cinq ans !
De plus, l’U.S. Customs and Border Protection (CBP) souhaite également collecter les numéros de téléphone utilisés par ces visiteurs au cours des cinq dernières années, les adresses électroniques des dix dernières années, ainsi que des informations sur les membres de leur famille.
Des mesures drastiques qui inquiètent les défenseurs des libertés publiques en raison du caractère intrusif d’une collecte aussi large de données personnelles ; tandis que les professionnels du tourisme redoutent un effet dissuasif. Sachant que cette mesure intervient alors que les États-Unis, le Canada et le Mexique s’apprêtent à accueillir la Coupe du monde de football 2026, qui doit attirer des centaines de milliers de supporters.
Le sésame des riches
Alors, que faire si vous voulez immigrer légalement aux Etats-Unis et que vous êtes un ressortissant du Tiers-monde ou ressortissant de pays bénéficiant du programme d’exemption de visa mais que vous refusez de déballer votre vie intime sur les réseaux sociaux ? Avoir les poches bien remplies !
Ainsi, dans sa logique de durcir les conditions d’entrée aux États-Unis, tout en espérant, en homme d’affaires avisé, attirer des profils «capables d’apporter une contribution substantielle aux États-Unis», Trump a officiellement lancé la nouvelle carte de séjour pour permettre aux étrangers d’accéder au territoire national contre une importante somme d’argent, en occurrence 1 million de dollars. Une fois approuvé, le détenteur de la Gold Card reçoit un document lui donnant le droit de vivre aux États-Unis, d’y travailler, d’y créer ou posséder une entreprise, puis de demander la citoyenneté américaine après la durée légale de résidence.
Mais l’addition ne s’arrête pas là puisqu’il faudra au préalable débourser 15 000 dollars de frais de traitement pour espérer obtenir ce visa spécial. Sachant que des «frais supplémentaires minimes peuvent être exigés selon le profil du candidat» par le Département d’État. Avant de payer un million de dollars.
Les entreprises peuvent également acheter cette carte dorée pour permettre à un étranger de travailler pour eux aux États-Unis. Cette fois, c’est 2 millions de dollars qu’il faudra lâcher pour accélérer les démarches de visa.
D’autre part, lors d’une table ronde à la Maison Blanche dans la nuit de mercredi à jeudi 11 décembre, le président américain a dévoilé les contours d’une autre carte, la «Trump Platinum Card».
Encore au stade de projet, les «ressortissants étrangers peuvent s’inscrire dès maintenant et réserver leur place sur la liste d’attente pour la carte Trump Platinum». Une fois lancée, elle permettra de «séjourner jusqu’à 270 jours aux États-Unis sans être imposés sur les revenus non américains».
Et une fois de plus, il faudra s’acquitter d’une somme de 15 000 dollars de frais de traitement, sans oublier une contribution fixée à… 5 millions de dollars. Il est également précisé que «les personnes ayant déjà été imposées aux États-Unis sur des revenus non américains (par exemple, les citoyens américains et les résidents permanents) ne sont pas admissibles à la carte Trump Platinum».
Logique mercantile
Au final, ces mesures sont explicitement pensées comme une réforme économique de l’immigration : il s’agit de privilégier les étrangers jugés «bénéfiques pour la nation américaine» et de générer des recettes massives ; en mettant en avant des promesses d’investissements étrangers «de plusieurs milliers de dollars».
Bref, on peut désormais «acheter» la nationalité américaine à coup de millions de dollars. Avis aux amateurs.