À la clôture des 39es Journées de l’Entreprise de l’IACE, le gouverneur de la BCT trace la voie d’un redressement par l’investissement, sept axes prioritaires et une nouvelle alliance tripartite.
La Tunisie regorge de talents, d’idées et de projets, mais manque cruellement d’investissements productifs et d’un financement orienté vers l’économie réelle. C’est le diagnostic sans appel posé par Fethi Zouhair Nouri, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), lors de la clôture de la 39e session des Journées de l’Entreprise, organisées par l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE).
« Nous ne redresserons pas la trajectoire du pays sans transformer, en profondeur, notre rapport à l’investissement productif », a-t-il souligné. Tout en reconnaissant les incertitudes et contraintes tout en ouvrant un « horizon d’investissement, de confiance et de redressement durable ». Il a structuré son intervention autour de sept axes essentiels pour relancer la croissance, l’emploi et la modernisation.
Un taux d’investissement insuffisant et un biais vers la trésorerie
Le gouverneur a d’abord pointé du doigt un taux d’investissement national stagnant à 16% du PIB, dont seulement 58% proviennent du privé un niveau trop faible pour une croissance durable. Sur 2022-2024, les crédits à court terme (trésorerie) ont bondi de +8,1%, contre +3,3% seulement pour les crédits à moyen/long terme. « Ce biais persistant sacrifie les projets productifs aux besoins immédiats », a-t-il regretté.
Le secteur privé pâtit aussi d’une préférence pour la consolidation des positions acquises, d’une logique de survie et d’une sous-utilisation des lignes de crédit pour PME des bailleurs étrangers. « Le sentiment que ‘tout est difficile’ doit être brisé : la sortie de crise passe par l’investissement dans l’industrie, les services, l’agriculture, le digital, la transition verte et l’économie de la connaissance « , a insisté Fethi Zouhair Nouri.
Dans un monde de ruptures, l’immobilisme est le vrai risque
Face aux ruptures technologique, énergétique et géopolitique, » ne pas investir, c’est reculer », a averti le gouverneur. Il a interpellé l’audience : « Combien d’opportunités d’export manquées ? Combien de talents exilés faute de projets ambitieux ? Combien d’idées enterrées par le fatalisme ? C’est possible, à condition de changer ensemble notre façon de faire. »
Appels directs aux acteurs : ambition, courage, stabilité
Aux chefs d’entreprise, Fethi Zouhair Nouri a prôné une « nouvelle culture de l’investissement « . A savoir, transformer épargne et risques en actifs productifs (usines, numérique, énergie), mesurer la réussite par le portefeuille d’actifs et non le solde bancaire. Il précise à cet effet: « Passez d’un schéma ‘banque + fonds propres’ à une architecture financière globale : banques, fonds, diaspora, plateformes. »
Aux banques, il a reconnu leurs contraintes (risques, NPL, réglementations) mais exigé un rôle « d’ architecte du développement via un dialogue structuré.Osez financer plus de projets innovants : le meilleur actif de vos bilans, ce sont les entreprises qui grandissent et remboursent. «
La BCT, a-t-il rappelé, assure la stabilité monétaire (maîtrise inflation, dinar stable, notation souveraine +3 crans) tout en modernisant ses services : plateforme EXOP (octobre 2025) pour le change, TRADIS en préparation, plafonds relevés pour études à l’étranger, délais de règlement import/export à 120 jours. Elle soutient la liquidité bancaire (ratio refinancement 22%) face aux tensions de trésorerie de l’État (service dette : 43 milliards dinars sur 2021-2025), sans se substituer aux acteurs privés.
Une alliance pour l’action concrète
» Passons d’une prudence défensive à une prudence dynamique », a-t-il conclu. Tout en appelant à une nouvelle alliance : entreprises transparentes et ambitieuses, banques audacieuses, BCT innovante. Trois messages : aux entrepreneurs; aux banquiers, » osez les projets créateurs ; à tous, un trio Entrepreneur-Projet-Financement.
Il propose des objectifs concrets : part du crédit à l’investissement, nombre de nouveaux projets financés, nouveaux instruments (capital-investissement, fintech, finance verte). « Notre pays n’est pas en déficit de talents ; il attend un mouvement collectif sur souveraineté économique, dignité du travail et gouvernance rigoureuse. Nous sommes prêts. Nous comptons sur vous. », conclut-il.