Sur fond de vives tensions entre la Chine et le Japon au sujet notamment de Taïwan, le Japon accuse des avions militaires chinois d’avoir verrouillé leurs radars sur ses chasseurs. Pékin dément et dénonce une « calomnie ».
Nouvelle poussée de fièvre dans les relations historiquement heurtées, marquées par un passé douloureux entre l’Empire du Milieu et l’ancienne puissance coloniale que fut le Japon.
A peine trois semaines après le déclenchement de la grave crise diplomatique entre les deux géants asiatiques sur la question taïwanaise (la Première ministre Sanae Takaichi ayant suggéré que le Japon pourrait intervenir militairement en cas d’attaque chinoise contre Taïwan, île dont Pékin revendique la souveraineté et n’exclut pas de recourir à la force pour la reprendre); et suite à l’incident ayant impliqué des navires japonais et chinois autour d’îles disputées en mer de Chine orientale, la tension est montée d’un cran suite à la décision de Tokyo de convoquer l’ambassadeur de Chine au Japon pour lui exprimer la « vive protestation » du Japon contre « ces actes dangereux, extrêmement regrettables ». Et ce, après que « des avions militaires chinois ont verrouillé leurs radars, samedi 6 décembre, au sud-est de l’île d’Okinawa, sur des avions de la force aérienne d’autodéfense nippone » selon le ministère de la Défense japonais.
Une manœuvre « dangereuse »
« L’intention des pilotes chinois reste inconnue, mais la force d’autodéfense japonaise a jugé qu’il s’agissait d’une manœuvre dangereuse. Vu que les avions japonais ne se sont pas approchés d’engins chinois et que le radar a été verrouillé sur eux à plusieurs reprises de manière insistante ». C’est ce que détaille la chaîne publique japonaise NHKNHK. Tout en précisant que les faits se sont déroulés dans les eaux internationales.
« Il s’agit d’un geste dangereux dépassant les manœuvres nécessaires pour la sécurité du vol. Nous avons fermement protesté auprès de la partie chinoise pour que ce genre d’incident ne se reproduise plus ». Ainsi a affirmé au lendemain de l’évènement, le ministre de la Défense nippon, Junichiro Koizumi.
Le Japon réagira « avec calme et fermeté » en assurant « une vigilance et des activités de surveillance renforcées dans les zones maritimes et aériennes environnantes ». C’est ce qu’a renchéri pour sa part, dimanche, la cheffe du gouvernement nippon, Sanae Takaichi,
Un casus belli ?
De quoi s’agit-il au juste ? Selon la version nippone, des chasseurs J-15 ayant décollé samedi dernier du porte-avions de la marine chinoise Liaoning ont verrouillé à deux reprises, samedi dernier, leurs radars sur des avions japonais dans les eaux internationales près de l’île d’Okinawa située au sud du Japon.
Selon le ministère japonais de la Défense, deux épisodes distincts ont eu lieu. Le premier s’est produit peu après 16h30, lorsque des J-15 chinois opérant depuis le porte-avions Liaoning ont orienté leur radar de conduite de tir vers des F-15 japonais. Le second incident est survenu vers 20h00, dans la même zone maritime. Les données opérationnelles fournies par Tokyo indiquent que le premier verrouillage a duré environ trois minutes. Tandis que le second a persisté près de trente minutes, un laps de temps jugé « très long ».
Faut-il rappeler que dans le code militaire, le « verrouillage » signifie que le radar d’un avion miliaire ennemi cesse de simplement balayer le ciel et commence à suivre une cible précise, en vue d’obtenir une solution de tir; les avions de chasse modernes étant en mesure de détecter s’ils sont visés de la sorte. D’ailleurs, le verrouillage radar reste l’un des actes les plus sensibles dans le spectre de l’interception militaire. En effet, ce geste place l’avion ciblé dans une posture défensive immédiate, susceptible de conduire à une surréaction.
Un casus belli ? En droit international, le verrouillage radar d’un avion adverse n’est pas considéré comme un motif légitime pour déclencher la guerre. Car, il n’existe aucun code militaire universel définissant cet acte comme une agression formelle. Le droit international s’appuie surtout sur la Charte des Nations unies et le droit coutumier, qui encadrent l’usage de la force et la légitime défense. Or, tant qu’aucun tir n’est effectué, le verrouillage n’entre pas dans la catégorie des « attaques armées ».
Pour autant, ce geste reste hautement hostile puisque en pratique, le verrouillage radar demeure une provocation dangereuse, plutôt qu’un acte de guerre reconnu. Ainsi, dans un contexte tendu, comme c’est le cas en mer de Chine orientale- objet d’un différend territorial en particulier autour de l’archipel nommé îles Senkaku par le Japon et îles Diaoyu par la Chine– une étincelle peut suffire à mettre le feu aux poudres.
Faut-il rappeler à cet égard que l’aviation se retrouve une nouvelle fois au cœur d’un rapport de force asymétrique entre Chine et Japon. Dans un contexte de tension persistante, ce type d’incident fait ressurgir le spectre d’un engrenage involontaire entre deux puissances habituées jadis à croiser leurs forces militaires au-dessus du Pacifique.
« Calomnies et diffamation », selon Pékin
La version chinoise est autre. Le porte-parole de la marine chinoise, Wang Xuemeng, a déclaré pour sa part que les avions japonais s’étaient « approchés de manière répétée » d’une zone d’exercice annoncée, perturbant des manœuvres aéronavales prévues depuis plusieurs jours. Et Pékin d’affirmer que les opérations menées dans le détroit de Miyako faisaient partie d’un cycle d’entraînement du groupe aéronaval du Liaoning, incluant plus de 100 décollages et appontages sur la seule journée du 6 décembre.
« Les accusations de Tokyo sont totalement contraires aux faits », a affirmé la même source. Tout en demandant au voisin japonais de « cesser immédiatement de calomnier et de diffamer ».
A noter toutefois qu’en dépit de ce qui est perçu comme « provocation », le gouvernement du pays du Soleil-Levant cherche à apaiser les tensions. De son côté, la Chine s’est abstenue pour le moment de prendre des mesures économiques sévères, ni n’a brandi l’arme fatale de la limitation des exportations de terres rares vers son voisin. Jusqu’à nouvel ordre.