Le 29 septembre 1985 mourait un des plus illustres militants de la lutte contre les autorités coloniales. Et un des bâtisseurs de l’Etat qui a dirigé pas moins de six ministères. Avec un vécu syndical largement connu : il a été un compagnon du leader Farhat Hached qu’il a hébergé lorsqu’il était traqué par les colons avant son assassinat, en 1952.
C’est sans doute un militant parmi ceux qui ont le plus marqué une partie du moins de l’histoire de la lutte pour l’indépendance et le combat non moins important pour la construction de l’Etat. Avec une présence au sein l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), une autre au sein du Parti destourien et une troisième au gouvernement.
Son nom ? Abdallah Farhat. Son évocation pendant cette journée du 29 septembre 2025 s’impose pour notamment ceux qui l’ont connu et fait une partie du chemin avec lui : il est décédé il y a quarante ans (29 septembre 1985), à Paris, où il était soigné.
« C’est sans doute un militant parmi ceux qui ont le plus marqué une partie du moins de l’histoire de la lutte pour l’indépendance et le combat non moins important pour la construction de l’Etat. Avec une présence au sein l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), une autre au sein du parti destourien et une troisième au gouvernement. Son nom ? Abdallah Farhat ».
Né à Ouerdanine, dans cette ville du Sahel tunisien, un des viviers du militantisme contre l’occupant français, aujourd’hui intégrée au gouvernorat de Monastir, le 28 août 1914, il a commencé à militer dans le syndicalisme tunisien. Précisément au sein de l’UGTT. Au sein de la Fédération de la Poste. Son nom apparaît dans la liste des dirigeants de cette organisation élus au 5ème congrès de cette organisation, en 1954, au poste de trésorier.
- Abdalalh Farhat, à droite avec le président Bourguiba (deuxième à partir de la droite), Taieb Mehiri (ministre de l’Intérieur) et Ahmed Ben Salah (ministre de l’Economie et des Finances) aux premières années de l’indépendance.
Dès son jeune âge, il est largement préoccupé par la lutte contre la France. Il faut dire que sa ville natale regorge de militants nationalistes. Dont Hassan Abdelaziz El Ouardani, un des hérauts de la lutte armée et un des dirigeants des Fellags qui ont rendu la vie difficile aux colons entre 1952 et 1954 notamment.
Chef de cabinet de Bourguiba pendant neuf ans
Il a été un des proches du leader de l’UGTT, Farhat Hachat, qu’il avait caché quelques temps avant sa mort en décembre 1952 alors qu’il était traqué par les autorités coloniales. Les deux hommes habitaient à Radès et Abdallah Farhat était le patron de la Fédération des PTT de l’organisation syndicale, raconte le syndicaliste Ahmed Ami dans un blog instructif sur l’assassinat de Farhat Hached (lire ici).
Proche également du premier président de la République, Habib Bourguiba, qui avait de solides liens avec les leaders syndicaux dont beaucoup furent ses proches collaborateurs après l’indépendance ; il a notamment été son chef de cabinet pendant neuf ans.
Aussi sa nomination, jusqu’en 1979 à la tête de nombre de ministères, n’a étonné personne : ministère des PTT, ministère des Transports, ministère de l’Agriculture, ministère de l’Equipement et de l’habitat, ministères de l’Intérieur et de la Défense (par deux fois). Sans oublier sa nomination au Bureau politique du Parti Socialiste Destourien (PSD), la plus haute instance de ce parti, fer de lance de l’indépendance.
« Mêler l’armée à la vie politique »
Jusqu’en 1979, date à laquelle il est limogé par le président Bourguiba quelques jours après la tenue du Xème congrès du PSD (5 septembre 1979) dont il a été le principal organisateur ; il était alors ministre de la Défense. Le père de l’indépendance lui ayant reproché deux choses si l’on croit un article du journal Le Monde du 12 septembre 1979 : «… D’avoir mêlé l’armée à la vie politique en lui confiant l’organisation du congrès alors qu’elle doit demeurer dans les casernes et d’avoir – pour le moins – ignoré certaines irrégularités lors des élections au comité central ».
La lecture de certains comptes rendus de journaux étrangers de l’époque évoque une opération en vue d’éliminer certains dirigeants du PSD de la course de la succession ou de minimiser leur rôle politique. Dont Mohamed Sayah, un des préférés du président de la République.
On notera qu’Abdallah Farhat est considéré aussi comme celui qui ouvrira au deuxième président de la République, Zine El Abidine Ben Ali, les portes du pouvoir en conseillant au Premier ministre de l’époque, Hédi Nouira, de le nommer, en 1977, à la tête de la Sureté nationale. Il était à ce moment membre de son cabinet à la défense.
« On notera qu’Abdallah Farhat est considéré aussi comme celui qui ouvrira au deuxième président de la République, Zine El Abidine Ben Ali, les portes du pouvoir en conseillant au Premier ministre de l’époque, Hédi Nouira, de le nommer, en 1977, à la tête de la Sureté nationale. Il était à ce moment membre de son cabinet à la défense ».
Un club de tir porte son nom
Que dire d’autre d’Abdallah Farhat ? Sans doute, d’abord, qu’il a épousé une des plus illustres artistes tunisiennes : Safia Farhat présentée comme « une pionnière des arts plastiques en Tunisie, à la fois dessinatrice, peintre, céramiste, tapissière et décoratrice ». Une universitaire de surcroît qui a dirigé, en 1966, l’Ecole des beaux-arts de Tunis.
- Abdallah Farhat avec son épouse Safia Farhat.
Dire, ensuite, qu’il était un des adeptes de la chasse. D’ailleurs un club de tir porte son nom à Radès. Une ville qu’il n’a jamais quittée, dont il a été le maire et où il est enterré (Cimetière Sidi Ammar).
Encore qu’il est le frère de Mohamed Fahat, longtemps Procureur général de la République sous la présidence de Habib Bourguiba. Fonction supprimée par Zine El Abidine Ben Ali, quelques jours après son accession au pouvoir, en 1987.
