En estimant que l’Ukraine était « en mesure de reprendre le pays dans sa forme originelle », le président américain Donald Trump a opéré mardi une volte-face spectaculaire sur son approche du conflit ukrainien. Analyse.
Tout le monde s’accorde à penser que cet homme est totalement imprévisible. Après le sommet en Alaska en août 2025 où il avait reçu Vladimir Poutine avec beaucoup d’égard, Donald Trump pensait pouvoir conclure avec lui un accord avec pour mettre fin à la guerre en Ukraine, quitte à ce que Kiev cède définitivement les territoires occupées par l’armée russe. Mais il constate aujourd’hui avec colère que le maître du Kremlin l’a roulé dans la farine.
Est-ce la clé du brusque renversement radical de sa propre lecture du conflit ukrainien ? « Je pensais que résoudre le conflit serait la chose la plus facile à faire en raison de ma relation avec Poutine », a déploré le président américain lors d’une rencontre avec le président français, Emmanuel Macron. Mais «malheureusement, cette relation n’a servi à rien », a-t-il reconnu, amer.
Virage à 180°
En effet, après avoir prédit la défaite de l’Ukraine, et rudoyé le président ukrainien Volodymyr Zelensky en février dernier sous le regard du monde entier dans le Bureau ovale en lui lançant qu’il « n’avait pas les cartes en main » et qu’il était préférable par conséquent de procéder à des « échanges de territoire » pour réaliser une « paix durable » avec la Russie, l’actuel locataire de la Maison Blanche a jugé- mardi 23 septembre, lors d’une réunion bilatérale avec son homologue ukrainien en marge de l’Assemblée générale des Nations unies au siège de l’ONU à New York, que Kiev pourrait « regagner son territoire dans sa forme originelle et peut-être même aller plus loin » face à la Russie. Bigre !
« Après avoir pris connaissance et compris pleinement la situation militaire et économique de l’Ukraine et de la Russie. Et après avoir constaté les difficultés économiques que cela cause à la Russie. Je pense que l’Ukraine, avec le soutien de l’Union européenne, est en mesure de se battre et de regagner son territoire dans sa forme originelle et peut-être même aller plus loin », a écrit Trump sur son réseau Truth Social.
« Avec du temps, de la patience et le soutien financier de l’Europe, et en particulier de l’OTAN, le rétablissement des frontières d’origine, celles qui existaient avant le début de cette guerre, est tout à fait envisageable. Pourquoi pas ?», a-t-il ajouté.
La Russie ? « Un tigre en papier »
N’hésitant pas au plaisir de donner un coup de griffe à l’égo de l’homme fort du Kremlin, Trump emprunta la fameuse expression de Mao Tsé-Toung pour comparer la Russie à un « tigre de papier ».
« La Russie mène depuis trois ans et demi une guerre sans but qui aurait dû prendre moins d’une semaine à une véritable puissance militaire pour remporter la victoire », a ironisé Trump dans son message. L’altier Poutine appréciera.
« Lorsque les habitants de Moscou et de toutes les grandes villes, villages et districts de Russie découvriront ce qui se passe réellement dans cette guerre, le fait qu’il leur est presque impossible de s’approvisionner en essence en raison des longues files d’attente qui se forment, et toutes les autres conséquences de leur économie de guerre, où la majeure partie de leur argent est dépensée pour combattre l’Ukraine, où le moral est élevé et ne cesse de grandir, l’Ukraine serait en mesure de reprendre son pays dans son étendue initiale et, qui sait, peut-être même d’aller plus loin que cela !», a-t-il poursuivi.
« Poutine et la Russie sont dans une situation économique très difficile, et c’est le moment pour l’Ukraine d’agir. Quoi qu’il en soit, je souhaite bonne chance aux deux pays. Nous continuerons à fournir des armes à l’OTAN pour que celle-ci en fasse ce qu’elle veut. Bonne chance à tous ! », a-t-il conclu sur un ton ironique.
L’Ours russe se rebiffe
« La Russie n’est pas un tigre. La Russie est davantage associée à un ours. Et les ours de papier n’existent pas », a rétorqué le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Il a également assuré que la Russie était « stable », en se référant à sa situation économique. « La Russie conserve sa stabilité économique », a-t-il dit. Tout en ajoutant néanmoins que le pays faisait « face à des tensions et des problèmes dans différents secteurs de l’économie ».
« Nous poursuivons notre opération militaire spéciale pour assurer nos intérêts et atteindre les objectifs que le président de notre pays a établis dès le début. Et nous agissons ainsi pour le présent et l’avenir de notre pays, pour les nombreuses générations à venir. Nous n’avons donc pas d’autre alternative », a-t-il encore assuré.
Des paroles en l’air ?
Alors, que penser de la volte-face de Trump illustrée par ces déclarations tonitruantes ? Surtout lorsqu’il affirme que Kiev serait en mesure de «regagner son territoire dans sa forme originelle et peut-être même aller plus loin » face à la Russie, actuellement la première puissance nucléaire militaire du monde ?
« Au lieu de chercher à négocier la paix, le président Trump semble désormais se laver les mains du conflit en Ukraine », estime le New York Time. « Il s’est dit confiant dans le fait que l’Ukraine puisse reconquérir son territoire, alors même qu’elle en a été incapable quand elle recevait encore des dizaines de milliards de dollars d’aide des États-Unis », ajoute le prestigieux quotidien américain.
Pour sa part, analyse le magazine mensuel américain, The Atlantic, « c’est le langage de Trump pour dire qu’il s’ennuie et qu’il est épuisé par deux nations qui semblent avoir d’autres priorités dans le monde que de faire obtenir un prix Nobel au président Donald J. Trump. En attendant, ce ne sont que des paroles en l’air ».
En plein dans le mille !