Selon un récent article de l’IACE publié le 23 septembre 2025 sur son blog, l’hébergement alternatif représente aujourd’hui un levier stratégique majeur pour l’économie touristique tunisienne. Cette forme d’hébergement, qui inclut les maisons d’hôtes, gîtes ruraux et locations meublées, connaît une croissance remarquable; et ce, malgré un cadre réglementaire encore inadapté à ses spécificités.
Les chiffres révèlent l’ampleur du phénomène : la Tunisie comptait entre 700 et 1 000 maisons d’hôtes en 2022, atteignant près de 2 000 unités en incluant l’ensemble des locations meublées. Cette expansion témoigne d’une demande croissante des voyageurs pour des expériences authentiques et personnalisées, loin du tourisme de masse traditionnel.
Cependant, cette croissance s’effectue majoritairement dans l’économie informelle, avec moins de 10 % des structures officiellement agréées. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs structurels : un cadre réglementaire hérité de l’hôtellerie classique inadapté aux petites unités; des procédures d’agrément complexes et chronophages; ainsi qu’un manque d’accompagnement technique et financier, particulièrement dans les régions intérieures.
Un potentiel économique considérable à exploiter
L’étude de l’IACE révèle des perspectives économiques prometteuses pour ce secteur. Les projections indiquent que le segment des maisons d’hôtes et gîtes ruraux pourrait générer jusqu’à 1,31 milliard de dinars de recettes annuelles d’ici 2030. Représentant ainsi plus du double des estimations actuelles de 0,62 milliard de dinars pour 2025.
Ce développement offrirait des bénéfices structurants multiples pour l’économie tunisienne. L’hébergement alternatif contribuerait significativement à la désaisonnalisation du tourisme en répartissant les flux sur l’ensemble de l’année, réduisant ainsi la dépendance à la période estivale. Il permettrait également de dynamiser les économies locales dans des régions actuellement peu touchées par le tourisme traditionnel, favorisant un développement territorial plus équilibré.
La valorisation du patrimoine naturel et culturel constitue un autre avantage majeur de cette diversification. L’hébergement alternatif stimule le développement d’activités connexes telles que l’artisanat local, l’agriculture de terroir et les circuits découverte, créant ainsi un écosystème touristique intégré. Cette approche soutient particulièrement l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes, contribuant à l’inclusion sociale et économique.
Les défis de la formalisation et de la structuration
Le principal défi réside dans la formalisation de ce secteur largement informel. L’absence d’agrément limite considérablement les opportunités de développement : accès restreint au financement; exclusion des circuits touristiques organisés; et difficultés d’investissement dans l’amélioration des infrastructures.
Le ministère du Tourisme a initié une révision des cahiers des charges pour les hébergements alternatifs, visant à clarifier les conditions de création et simplifier les procédures administratives. Cette démarche s’accompagne d’efforts pour mieux encadrer les normes de qualité et de sécurité, essentielles pour garantir la confiance des touristes.
Stratégies pour une transformation durable
Pour transformer ce potentiel en réalité économique, plusieurs axes stratégiques sont identifiés. L’élaboration d’un cadre réglementaire spécifique, distinct de celui de l’hôtellerie traditionnelle et co-construit avec les acteurs de terrain, constitue une priorité absolue. Cette approche permettrait de tenir compte des particularités des petites structures d’hébergement.
La digitalisation des procédures représente un levier essentiel pour encourager la formalisation. La création de guichets uniques régionaux faciliterait les démarches administratives. Tandis qu’une plateforme nationale dédiée aux établissements agréés améliorerait leur visibilité commerciale et garantirait la transparence pour les clients.
Le renforcement des capacités des opérateurs locaux nécessite un accompagnement sur mesure, incluant formations techniques et facilitation de l’accès au financement. Cette approche est particulièrement cruciale pour les zones rurales et intérieures, où les entrepreneurs disposent souvent de ressources limitées.
Vers une intégration stratégique dans la promotion touristique
L’hébergement alternatif doit être pleinement intégré dans les stratégies nationales de promotion touristique. Cette intégration permettrait de positionner la Tunisie comme une destination offrant une diversité d’expériences, de l’hébergement balnéaire traditionnel aux séjours authentiques en milieu rural ou urbain historique.
La mise en place d’un dispositif de suivi statistique fiable s’avère indispensable pour éclairer les décisions publiques et mesurer l’impact économique réel de ce secteur. Ces données permettraient d’ajuster les politiques de soutien et d’optimiser les investissements publics.
Un enjeu stratégique pour la résilience touristique
La structuration de l’hébergement alternatif représente bien plus qu’une simple diversification de l’offre touristique. Elle constitue une réponse stratégique aux défis contemporains du secteur, notamment sa vulnérabilité face aux chocs externes tels que les crises géopolitiques, sanitaires ou climatiques.
En réduisant la dépendance au modèle balnéaire concentré sur certaines zones côtières, cette diversification permettrait une meilleure répartition des risques et des bénéfices économiques sur l’ensemble du territoire tunisien. L’ancrage territorial renforcé du tourisme contribuerait également à la préservation et à la valorisation des identités locales.
La transformation de l’hébergement alternatif en véritable pilier de l’économie touristique tunisienne nécessite une approche coordonnée impliquant l’ensemble des parties prenantes. Les pouvoirs publics, les opérateurs privés, les collectivités locales et les organisations professionnelles doivent conjuguer leurs efforts pour surmonter les obstacles actuels et exploiter pleinement ce potentiel de croissance durable, inclusive et résiliente.
Cette révolution silencieuse de l’hébergement touristique en Tunisie illustre parfaitement les mutations profondes que connaît le secteur à l’échelle mondiale. En saisissant cette opportunité, la Tunisie pourrait non seulement diversifier son économie touristique mais également renforcer sa compétitivité internationale dans un marché de plus en plus exigeant en termes d’authenticité et de durabilité.