L’année 2024 marque un tournant significatif pour la transparence environnementale des entreprises cotées à la Bourse de Tunis. Et ce, avec un triplement du nombre de bilans carbone publiés par rapport à l’année précédente. Neuf sociétés ont en effet communiqué leurs émissions de gaz à effet de serre pour l’exercice 2024, contre seulement trois en 2023, portant ainsi le taux de publication de cet indicateur de 4 % à 12 % en un an.
Cette avancée notable témoigne d’une maturité grandissante des acteurs du marché en matière de reporting ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Une tendance qui s’observe également sur le front des rapports ESG plus généraux, dont le nombre est passé de huit à 14 publications entre 2023 et 2024. Les entreprises ayant franchi le pas de la publication de leur bilan carbone en 2024 sont Délice Holding, One Tech Holding, STAR, PGH, Tunis Ré, Telnet, SFBT, ainsi que les compagnies Assurances Maghrebia Vie et Assurances Maghrebia.
Cette progression s’inscrit dans le sillage des efforts initiés en 2021 par la Bourse de Tunis, en collaboration avec le Conseil du Marché Financier et la fondation Konrad Adenauer Stiftung, qui avaient alors lancé un guide ESG pour accompagner l’économie tunisienne vers un modèle plus durable. Ce référentiel, aligné sur les Objectifs de Développement Durable de l‘ONU et inspiré de standards internationaux comme la Global Reporting Initiative (GRI), a identifié le bilan carbone comme un outil essentiel pour évaluer l’impact environnemental des entreprises. Il s’agit d’une démarche stratégique permettant non seulement de mesurer; mais aussi de maîtriser et de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par l’ensemble des activités d’une organisation.
Pour garantir la fiabilité et la comparabilité de ces bilans, les entreprises s’appuient sur des méthodologies reconnues internationalement, principalement le GHG Protocol (Greenhouse Gas Protocol) et les normes ISO, notamment les référentiels ISO 14064 et 14067. L’ISO 14064 fournit un cadre pour la quantification et la déclaration des GES au niveau de l’organisation. Tandis que l’ISO 14067 se concentre sur l’empreinte carbone des produits.
Le GHG Protocol, aligné sur les principes de l’ISO 14064, structure l’analyse des émissions en trois périmètres, ou « Scopes ». Le Scope 1 regroupe les émissions directes, telles que celles provenant du chauffage des locaux ou des véhicules de société. Le Scope 2 concerne les émissions indirectes liées à la consommation d’énergie, comme l’électricité ou la vapeur achetées par l’entreprise. Enfin, le Scope 3, le plus large, englobe toutes les autres émissions indirectes qui se produisent tout au long de la chaîne de valeur de l’entreprise, en amont comme en aval, incluant par exemple les déplacements des salariés, le transport des marchandises ou l’utilisation des produits vendus. Cette classification offre une vision complète de l’empreinte carbone d’une société.
Cependant, malgré ces évolutions positives, le chemin vers une transparence généralisée reste long. Quatre ans après l’introduction du guide ESG, le taux de publication global de ces rapports demeure faible, s’élevant à seulement 19 % en 2024. Moins d’une société cotée sur cinq communique donc ces informations extra-financières. Ce qui soulève des questions sur l’efficacité de l’approche actuelle, qui reste facultative. Face à ce constat, le rapport conclut en s’interrogeant sur l’opportunité d’évoluer vers une approche obligatoire. A l’instar de ce qui a été mis en place dans plusieurs autres pays tels que l’Afrique du Sud, le Maroc ou encore l’Arabie saoudite, afin d’accélérer l’adhésion des entreprises à cette démarche cruciale pour la transition écologique.