D’après un article de Nick Hilden pour National Geographic, l’ancienne superpuissance méditerranéenne, Carthage, fascine par son histoire et ses mystères. Aujourd’hui, un vaste projet de revitalisation porté par la Tunisie et l’Union européenne ouvre une nouvelle page pour ce site archéologique exceptionnel, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Carthage régna sur la Méditerranée pendant près de cinq siècles, de 650 à 146 av. J.-C. Cette métropole prospère, située à quelques kilomètres de l’actuelle Tunis, doit son immense puissance à son port sophistiqué comptant 200 docks et à sa population aisée. Son héritage imprègne même la mythologie grecque, qui en fait la patrie de la légendaire reine Didon. Sa chute fut aussi spectaculaire que son ascension : la République romaine, sa grande rivale, rasa intégralement la ville il y a plus de 2000 ans.
Les Romains ont détruit la plupart des archives carthaginoises, laissant de « grosses zones d’ombre » sur cette civilisation, explique l’historien Richard Miles. Aujourd’hui, le ministère tunisien de la Culture et l’Union européenne unissent leurs forces pour restaurer et valoriser ce patrimoine unique. L’objectif est double : offrir une expérience de visite exceptionnelle et protéger les vestiges de cet héritage antique presque perdu.
« Carthago delenda est » : la vengeance romaine
Vers 200 av. J.-C., Carthage était la superpuissance incontestée de la Méditerranée. « C’était un grand carrefour qui a puisé des influences de Grèce, de Phénicie, d’Italie, d’Espagne et d’Afrique du Nord pour créer une culture unique », précise Richard Miles. L’expansion de la République romaine engendra une rivalité féroce, conduisant à trois guerres en un siècle. En 149 av. J.-C., Rome assiégea et incendia la ville. Le sénateur Caton l’Ancien résumait son obsession par cette phrase : « Carthago delenda est » – Carthage doit être détruite.
Byrsa : le cœur battant de Carthage
Perché sur sa colline, le site de Byrsa classé à l’UNESCO offre un panorama imprenable sur le port punique qui fit la grandeur de la cité. Les visiteurs y découvrent une acropole jadis prospère, un musée, une nécropole et des maisons carthaginoises « parfaitement conservées » selon l’archéologue Stefano Cespa. Le musée national de Carthage voisin fait actuellement l’objet d’une rénovation majeure pour une réouverture prévue en juin 2026. L’architecte Gabriela Carillo explique vouloir « connecter la salle d’exposition aux extérieurs et à la vue sur Carthage ».
Depuis Byrsa, les visiteurs peuvent descendre vers le port en forme de demi-lune, aujourd’hui utilisé par des bateaux de pêche mais qui abritait l’impressionnante flotte militaire. Non loin de là, le Tophet de Carthage intrigue les experts. Ce cimetière renferme plus de 20 000 urnes funéraires. Si une légence persistante y voit le site de sacrifices d’enfants, Stefano Cespa tempère : il pourrait s’agir d’une rumeur propagée par les ennemis de Carthage.
L’héritage romain et un futur prometteur
La domination romaine a également laissé des traces majestueuses. Les Thermes d’Antonin, situés près du palais présidentiel, impressionnent par leurs ruines bien conservées. Le théâtre romain voisin permet d’observer les archéologues restaurer des structures et des mosaïques complexes. Le cirque de Carthage, inspiré du Circus Maximus de Rome, complète ce paysage historique. Les fouilles en cours dans les quartiers Magon et Didon révèlent près de 2000 ans d’histoire stratifiée, des Phéniciens à la période islamique.
Richard Miles conclut avec une leçon d’espoir : « Cela démontre qu’il est impossible de détruire complètement quelque chose. Il reste toujours des éléments du passé qui survivent. » Carthage, phénix éternel, renaît une fois de plus de ses cendres pour conquérir le XXIe siècle.