Par-delà les slogans, Trump déploie une stratégie globale de réaffirmation impériale. Elle repose sur quatre leviers aussi simples que radicaux : punir par le tarif; dominer par la monnaie; submerger par la technologie; imposer la paix par la force. Une vision du monde sans partage.
Dans l’imaginaire collectif, Donald Trump est souvent résumé à ses outrances : tweets erratiques, discours incendiaires, rejet des élites. Mais sous le vernis provocateur se dessine une stratégie redoutable. Une vision du monde de nature ultra-offensive, fondée sur un principe simple. A savoir : l’ordre international ne profite plus à l’Amérique, donc il faut le démanteler et le reconstruire à son image.
Ce projet tient dans ce que l’on pourrait appeler la « boîte à outils trumpiste », un arsenal de leviers brutaux, forgés non pour négocier un nouvel équilibre, mais pour imposer une domination sans négociation possible. Quatre outils majeurs la composent.
Tarifer le monde pour le soumettre
Le premier outil est le plus direct : l’instauration unilatérale de tarifs douaniers universels exorbitants sur toutes les importations, préfigurés par les annonces de Trump lui-même. Ce n’est pas du protectionnisme, c’est un coup de massue.
Il ne s’agit pas ici de corriger les déséquilibres commerciaux, mais de punir l’interdépendance, renverser la logique de la mondialisation et forcer les chaînes de valeur à revenir sur le territoire américain. Il fracture l’économie globale en zones d’obéissance et d’exclusion.
C’est aussi une réponse directe aux BRICS, dont la montée en puissance repose en grande partie sur leur rôle dans les circuits de production mondiaux. Tarifer, c’est étrangler leur croissance à la racine.
Numériser le dollar pour verrouiller la planète
Deuxième outil : le dollar 2.0. Face aux tentatives des BRICS d’échapper à l’emprise du billet vert via des alternatives régionales ou des monnaies numériques, Trump pourrait faire de la monnaie américaine une plateforme de contrôle total.
Imaginez un dollar numérique programmable, adossé à une blockchain souveraine, conditionnant l’accès aux marchés et aux flux de capitaux à des critères politiques. Le dollar deviendrait une clé d’accès géopolitique : s’aligner pour l’utiliser, s’en passer pour s’isoler.
Ce n’est pas seulement une monnaie. C’est une arme de coercition douce, redoutablement efficace, sans tirer un seul missile. L’équivalent financier du « hard power ».
Déréguler l’IA pour dominer les esprits
Troisième outil, plus insidieux : l’intelligence artificielle libérée de toute régulation. Là où l’Europe trace des lignes rouges éthiques et où la Chine centralise le développement, Trump pourrait offrir le Far West technologique : aucun garde-fou, aucune morale, seulement la course à la puissance cognitive.
L’IA n’est plus ici un outil d’innovation : c’est un multiplicateur de domination. Propagande automatisée, analyse comportementale de masse, décisions militaires accélérées : celui qui contrôle l’IA, contrôle le champ de bataille, qu’il soit économique, culturel ou géopolitique.
Dans la boîte à outils trumpiste, l’IA devient l’arme de domination silencieuse, celle qui ne se voit pas mais qui décide de tout.
Imposer la paix par la force
Enfin, le quatrième levier : la diplomatie coercitive. Trump ne croit pas à la paix par la négociation multilatérale. Il croit à la paix par l’intimidation. Son approche consiste à créer la menace d’un conflit, pour mieux vendre l’accord qui l’évite.
Sa méthode est constante : faire monter la pression, isoler, proposer un deal inégal, puis revendiquer la paix comme victoire américaine.
Ce n’est pas de la diplomatie. C’est une dramaturgie géopolitique, où le langage de la force devient la seule grammaire acceptable. Faire la paix, oui, mais une paix achetée au prix de la soumission.
Cette boîte à outils incarne une vision fondée sur le rejet de l’ordre libéral international et la mise en place d’un label de chaos planétaire maîtrisé, numérique et violent. À terme, elle dessine un monde à deux vitesses. D’un côté, des États alignés, intégrés dans un réseau financier, technologique et militaire centré sur les États-Unis. De l’autre, des puissances contestataires (BRICS, etc.) poussées dans une périphérie sous sanctions, coupées des flux vitaux.
Contrairement à une opinion couramment véhiculée dans les médias, Trump ne cherche pas à rétablir la grandeur passée des États-Unis. Il veut remodeler un monde où la domination américaine est la condition d’existence du système lui-même. Le multilatéralisme est pour lui une faiblesse. L’interdépendance, une menace. La coopération, une perte de temps.
Ce qui se joue ici dépasse Trump : c’est le retour assumé de la force dans la construction de l’ordre mondial, sans fond de teint, sans illusions, sans morale.
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Mahjoub Lotfi Belhedi
Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA // Data Scientist & Aiguilleur IA