Le rouble russe est devenu la devise la plus performante au monde depuis le début de l’année. Il surpasse même l’or, traditionnellement considéré comme une valeur refuge. C’est ce que révèle un rapport publié mardi 15 avril 2025 par Bloomberg Economics.
Depuis janvier, la monnaie russe s’est appréciée de 38 % face au dollar sur le marché de gré à gré, grâce à une série de facteurs internes, notamment des taux d’intérêt nationaux exceptionnellement élevés. En parallèle, le dollar américain subit des pressions croissantes. Elles sont liées à l’intensification des guerres commerciales initiées par l’administration du président Donald Trump.
Un contexte économique favorable à la devise russe
« Contrairement à d’autres devises des marchés émergents, le rouble ne subit pas de fuite massive de capitaux », explique Sofia Donets, économiste en chef chez T-Investments. Elle attribue cette résilience aux contrôles de capitaux stricts imposés par Moscou et au coût élevé du crédit intérieur, qui contribue à soutenir la monnaie.
Malgré les sanctions occidentales toujours en vigueur depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, la monnaie russe continue de se renforcer. Toutefois, cette vigueur du rouble pourrait avoir un effet pervers en réduisant les revenus d’exportation du pays, notamment dans le secteur énergétique, dont dépend fortement le budget de l’État.
En effet, la Banque centrale de Russie applique une politique monétaire rigoureuse, maintenant un taux directeur à 21 % afin de maîtriser l’inflation. Cette politique limite les importations et, par conséquent, la demande en devises étrangères. En parallèle, les autorités exigent que les exportateurs convertissent une partie de leurs revenus en devises sur le marché local, ce qui soutient mécaniquement le rouble.
Un regain d’intérêt pour le rouble dans le “carry trade”
Le rouble attire également les investisseurs internationaux grâce à son rendement élevé dans le cadre de stratégies de carry trade – qui consistent à emprunter dans des monnaies à taux bas pour investir dans celles à taux élevé. Cette dynamique est renforcée par une perception d’apaisement relatif dans les tensions entre Washington et Moscou.
Alexander Lutsko, responsable de la recherche chez Istar Capital à Dubaï, observe que, malgré les risques de sanctions, de plus en plus d’investisseurs cherchent à accéder aux actifs en roubles via les partenaires économiques de la Russie. Il note également que de nombreuses entreprises russes tentent de refinancer leur dette en roubles coûteuse à l’aide de prêts libellés en yuans chinois, stimulant ainsi la conversion des devises étrangères en roubles.
De son côté, le dollar américain a chuté à son plus bas niveau en six mois, fragilisé par l’incertitude entourant la politique tarifaire des États-Unis. Face à ces incertitudes, les investisseurs se sont tournés vers des valeurs refuges comme l’or, qui a progressé de 23 % depuis le début de l’année – une performance néanmoins inférieure à celle du rouble.
Une appréciation inattendue du rouble qui défie les prévisions
La force actuelle du rouble a pris de court le gouvernement russe, qui avait fondé son budget 2025 sur un taux de change moyen de 96,5 roubles pour un dollar – soit un niveau 14 % plus faible que le taux actuel. Cette situation coïncide avec une baisse marquée des prix du pétrole, exposant le pays à un manque à gagner sur ses recettes d’exportation.
Malgré cette performance impressionnante, les analystes restent prudents. Un sondage réalisé en mars par la Banque de Russie révèle que la majorité des experts anticipent un taux de change moyen de 98,5 roubles pour un dollar d’ici la fin de l’année.
Dans son dernier compte-rendu sur la politique monétaire, elle attribue la hausse du rouble à un regain d’intérêt pour les actifs russes, dans un contexte de stabilisation géopolitique relative. Le maintien d’un taux directeur élevé continue également de jouer un rôle clé dans le soutien à la devise nationale.
Selon certains analystes, les conditions actuelles favorables au rouble devraient se maintenir à court terme. « À ce jour, rien ne laisse présager une chute brutale du rouble. D’autant que la perspective d’une baisse des taux d’intérêt semble peu probable à court terme », conclut Alexander Lutsko.