Depuis le début de l’année, il faut environ 3,15 dinars pour obtenir un dollar, mais pour combien de temps encore? Une certaine stabilité semble s’installer après les pressions qui avaient pesé sur la monnaie nationale. Cette stabilité du dinar tunisien reste néanmoins fragile dans un contexte économique et financier marqué par des incertitudes.
La Banque centrale de Tunisie (BCT) maintient pour le moment son taux directeur inchangé à 8 %. Un choix visant à contenir l’inflation, qui s’élève actuellement à 6,7 %. Tout en évitant d’asphyxier davantage l’activité économique. Pourtant, les tensions sont palpables : les ménages, confrontés à une érosion continue de voir dégringoler leur pouvoir d’achat, cherchent à se protéger en diversifiant leurs placements, allant vers des devises étrangères, l’or ou encore des actifs immobiliers.
Un contexte économique et financier complexe
L’économie tunisienne repose sur des piliers comme le tourisme, les exportations agricoles et les industries manufacturières, notamment dans le textile et les composants automobiles. Cependant, ces secteurs sont fragilisés par la montée des coûts d’importation, le ralentissement de la demande extérieure et une inflation importée. La pandémie de COVID-19 et les tensions régionales ont exacerbé ces vulnérabilités, plongeant les ménages dans une spirale de méfiance vis-à-vis de la monnaie nationale.
Depuis plusieurs mois, les politiques monétaires et de change de la BCT suscitent des interrogations. Tandis que le niveau de l’inflation demeure élevé, des voix s’élèvent pour critiquer une politique qui ne parvient pas à renforcer la valeur du dinar. Les ménages et les entreprises privilégient les devises fortes pour préserver leur épargne ou capitaliser sur des opportunités à l’étranger. Ce phénomène, combiné à une faible confiance dans les institutions, alimente une dollarisation rampante de l’économie.
Depuis plusieurs mois, les politiques monétaires et de change de la BCT suscitent des interrogations. Tandis que le niveau de l’inflation demeure élevé, des voix s’élèvent pour critiquer une politique qui ne parvient pas à renforcer la valeur du dinar.
Des mesures hétérodoxes pour stabiliser le dinar
Face à cette situation, des mesures atypiques pourraient être envisagées pour limiter la fuite devant le dinar. À l’image des dispositifs adoptés par d’autres économies émergentes, la Tunisie pourrait encourager des dépôts à terme libellés en dinars, avec des compensations liées à l’évolution du taux de change ou de l’inflation. Cela permettrait de stabiliser une partie de la liquidité tout en dissuadant les conversions massives en devises étrangères.
Par ailleurs, la BCT pourrait renforcer ses exigences vis-à-vis des entreprises exportatrices, en imposant un rapatriement accéléré et partiel de leurs recettes en devises. Cette approche vise à alimenter les réserves de change du pays, actuellement sous pression. Cependant, de telles politiques doivent être accompagnées d’une communication claire pour ne pas effrayer les investisseurs étrangers, déjà préoccupés par les incertitudes économiques et sociales du pays.
Le dilemme tunisien : maîtriser sans étouffer
La Tunisie se retrouve dans une position délicate : elle doit freiner davantage l’inflation tout en relançant l’activité économique et en rassurant ses partenaires internationaux. La stabilisation du dinar dépendra en grande partie de la capacité des autorités à gérer ces priorités contradictoires.
À court terme, le défi sera d’éviter un scénario de dépréciation rapide, qui pourrait alimenter davantage l’inflation et éroder le pouvoir d’achat. À moyen terme, seule une reprise économique soutenue et des réformes structurelles crédibles pourront renforcer la résilience du dinar et restaurer la confiance des Tunisiens dans la monnaie nationale. Le pari est ambitieux, mais indispensable pour éviter une spirale de crise monétaire et financière.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)