Alors que les premiers signes de la crise causée par le Covid-19 commencent à se dessiner, la pression monte silencieusement. Quelques entreprises privées craquent déjà et l’inquiétude s’est installée parmi leur personnel.
Les décisions prises par le Gouvernement sont en train de se concrétiser progressivement. Avec, en particulier, le mécanisme de garantie des crédits en faveur des entités en difficulté attendu cette semaine. Zoom sur le rôle des banques dans cette période charnière.
Un choix compliqué
En effet, puisque nos entreprises dépendent du financement bas du bilan, leur survie passe obligatoirement par les banques. C’est vers elles que les sociétés devraient s’orienter, afin de solliciter des ressources. Ce rôle est d’autant plus important avec la fonction de sélection que les banques devraient assurer. Et ce, pour choisir les bénéficiaires de ce mécanisme de soutien.
Là, il faut s’attendre à des contestations de la part des entreprises qui ne vont pas pouvoir accéder aux crédits. Notamment celles qui ne bénéficient pas d’un bon classement en matière de risque.
Naturellement, la priorité sera donnée aux sociétés qui sont transparentes et qui n’ont pas d’incidents de paiement antérieurs. L’enjeu est de taille: il s’agit de crédits accordés pour une durée pouvant aller jusqu’à sept ans, avec deux années de grâce. Seul engagement: conserver les postes d’emploi.
Mais qui est ce banquier capable de prédire, dans ces conditions, la capacité d’une entreprise de toujours exister dans deux ans? C’est très difficile, car cela ne dépend pas seulement de la bonne volonté de l’entrepreneur. Il y a tout un environnement qui conditionne la relance économique. La structure de la demande va changer aussi bien sur le marché local qu’à l’export.
Il y aura donc de la casse avec une bonne partie de cette ligne qui va, tout simplement, fondre. En même temps, nous ne pouvons pas dire que la démarche de l’Etat soit fausse. Car, s’il n’intervient pas maintenant, ce sera trop tard. Implicitement, les décideurs semblent être convaincus qu’une bonne partie de ces ressources ne sont autres que des transferts sociaux déguisés; dont la finalité est de réduire l’impact social de la crise.
Les erreurs sont payées cash
Cependant, la sélection des risques ne concerne pas seulement cette ligne de garantie. Il ne s’agit que d’une simple partie des demandes que les banques devraient traiter dans les semaines à venir. Il faut être conscient qu’il n’y a pas une infinité de ressources disponibles. Et ce, malgré le soutien de la Banque centrale en matière de refinancement. La mission est même plus ardue, puisque les banques vont mettre leurs propres fonds en jeu, sans aucune garantie. Chaque erreur d’appréciation est payée sous forme de provisions.
Toutefois, cette incapacité à juger correctement le risque n’est pas spécifique aux établissements de crédit tunisiens. Elle était derrière la chute libre des banques sur les marchés financiers internationaux. Car, les systèmes de scoring en place permettent d’apprécier la possibilité de défaut dans une situation normale, pas celle d’une pandémie.
Comment “pricer” ce risque?
Alors, logiquement, chaque cran d’incertitude est sanctionné par une prime de risque plus élevée, donc un taux d’intérêt plus haut. Nous pensons qu’en moyenne, les nouveaux crédits accordés aux entreprises post-Covid seraient assortis de taux relativement stables par rapport à la période pré-Covid. Une bonne partie de l’effet de la baisse du Taux Directeur de la BCT risque donc d’être balayée.
Ainsi, une nouvelle baisse serait donc souhaitable pour faire reculer les taux effectifs. Néanmoins, le régulateur ne devrait pas prendre une telle décision à court terme. Et ce, pour une simple raison: les pressions inflationnistes.
En outre, l’indice des prix à la consommation devrait également progresser cette période. Donc, tout mouvement baissier du Taux Directeur signifie le risque de se retrouver face à un taux d’intérêt réel négatif.
En tout cas, ce qui est sûr, c’est que le niveau des taux est le dernier élément qui entre actuellement dans la décision d’investissement. Il ne faut donc surtout pas gâcher le travail des autorités monétaires pendant plus d’une année.