La grève de trois jours déclenchée par le personnel de la santé en pleine campagne de vaccination contre la Covid nous laisse à tous un gout amer dans la bouche. Comment nos valeureuses blouses blanches aux premiers rangs de la guerre contre la pandémie ont-elles eu le cœur à déserter leur poste? Laissant ainsi la population la plus vulnérable sans défense face à cet ogre.
Il était 9h du matin, hier mardi, au centre de vaccination sous le dôme du palais des sports d’El Menzah. Des personnes âgées, dont certaines sur des chaises roulantes, déjà inscrites sur Evax.tn et ayant reçu un SMS les informant qu’elles peuvent se faire vacciner hier mardi, n’ont pas été averties de la grève.
Elles attendaient patiemment leur tour pour recevoir la deuxième dose du vaccin tant attendu et espéré. Mais, elles ont du rebrousser chemin, la vaccination étant complètement à l’arrêt.
Allez leur expliquer que le personnel de la santé dans les hôpitaux publics est tout simplement en grève… Sachant qu’il est impensable de la part d’un médecin de refuser les actes d’urgence. Et que la vaccination en fait partie, quelles que soient les raisons invoquées pour la grève. Cela s’apparente à la non-assistance à une personne en danger. Une infraction pénale punie par la loi. Car combien de vies seraient sauvées si la vaccination était administrée à temps?
Drôle de timing pour cette grève
D’autant plus qu’il s’agit d’une grève nationale qui s’étale sur trois jours en pleine campagne de vaccination. Alors que la Tunisie est confrontée à l’une des pires crises sanitaires de son histoire. Avec la troisième vague de l’épidémie de Covid qui frappe à nos portes. Sachant que le pic épidémique est au top. Et que nous déplorons plus de 10 000 décès, un décompte macabre parmi les plus élevés du monde pour une population d’à peine 12 millions d’habitants. Pourtant, les blouses blanches, censées être aux premiers rangs pour nous protéger contre la bête immonde, ont préféré déserter le champ d’honneur. Laissant la population, surtout la plus vulnérable, à son triste sort. Face à la mort.
Pourquoi cette grève qui a gravement perturbé la campagne de vaccination dans les centres restés en majorité ouverts au public? Et surtout pourquoi aujourd’hui?
Les Tunisiens en otage
Pour revendiquer la révision du décret gouvernemental fixant le cadre général du régime des études et des conditions d’obtention des diplômes. De même que la création d’une prime des pandémies ainsi que la titularisation des médecins temporaires. Des revendications qui datent de 2019. Alors pourquoi les remuer aujourd’hui, en pleine campagne de vaccination?
La réponse est simple: au delà de la supposée légitimité de leurs revendications, les grévistes ont pris les Tunisiens en otage. Et ce, pour mettre la pression sur le gouvernement. Du machiavélisme de bas étage.
Pourtant, le chef du gouvernement a exhorté les médecins à ne pas abandonner leur poste en ces temps difficiles. Mais ces derniers ont estimé que le gouvernement « ne voulait pas écouter leurs revendications ». D’ailleurs, Noureddine Ben Abdallah revenait sur la réunion de négociation avec la partie gouvernementale. En effet, il révélait à notre confrère La Presse qu’au bout de 9 heures de négociations, « la partie gouvernementale n’était pas sérieuse dans sa démarche ».
« Les médecins souffrent énormément, jour après jour, nous sommes en train de perdre nos collègues en raison de la Covid. Moi-même, j’ai attrapé le virus et je l’ai transmis à toute ma famille. Nous sommes en première ligne et le gouvernement ne prend pas au sérieux nos efforts au quotidien ». Ainsi déclarait Noureddine Ben Abdallah, le secrétaire général du syndicat des médecins, médecins dentistes et pharmaciens de la santé publique.
L’Etat aux abonnés absents
Une chose est sûre. Il aurait fallu que l’autorité de tutelle prenne des solutions fortes et énergiques pour lever la grève. En l’occurrence, le recours légitime aux médecins militaires ou la réquisition des grévistes. Une mesure prévue par la loi et appliquée dans la plupart des pays démocratiques. En attendant, plus que 40 mille de nos aînés n’ont pu bénéficier à temps de la première ou de la seconde dose de vaccin.
Honte à vous tous.