Interviewé par L’Economiste Maghrébin (n°719 du 6 au 20 septembre 2017), l’ancien ministre Mahmoud Ben Romdhane ne se gêne nullement pour appeler les choses par leur nom. Ne se dérobant point aux questions, il fait le bilan de ce que nous vivons avec clarté, circonspection et lucidité. Son discours est sans ambages. Extraits…
L’Economiste Maghrébin : la situation est irrémédiable, ou bien des possibilités de sortie de crise sont, d’après vous, envisageables ?
Mahmoud Ben Romdhane : Je n’utiliserais pas le terme de possibilités, car malheureusement, nous ne sommes plus dans cette perspective, mais plutôt de nécessité. Un New Deal tunisien doit être mis en route. Il lui faut des préalables, des exigences et un contenu. Pour les préalables, il importe de considérer que le pire est peut-être devant nous. Il nous faut donc l’éviter à tout prix. Pour cela, il faut nous armer de vision claire et nous fixer un horizon. C’est une question de salut car, il faut l’avouer, le spectre grec est à nos portes.
Comme vous l’avez compris, il nous faut d’abord et avant tout protéger nos secteurs productifs stratégiques, les libérer des occupations et leur faire reprendre leur niveau optimal de production.
Il nous faut reprendre nos capacités en termes d’analyse stratégique et de vision. En plus de la mise en place des institutions et des mécanismes en charge de l’analyse de l’état des finances publiques, il faut procéder à une refonte des finances publiques et les restituer dans une vision stratégique et intégrée. En d’autres termes, intégrer le budget de l’année à venir dans une perspective de moyen et de long terme, intégrer la sécurité sociale, les entreprises publiques et les entités locales et régionales dans la préparation et la présentation du budget au parlement. De même, intégrer tous les actifs et tous les passifs de l’Etat dans l’analyse des finances publiques.
Est-ce tout, ou seulement une première étape qui devra s’enchaîner à d’autres ?
Non, tout doit être mené de concert. Il est impératif de procéder à une réforme de l’Administration, ce qui signifie veiller à réduire la facture salariale pour pouvoir arriver, à l’horizon de 2020, à un ratio masse salariale de l’Administration-PIB de 11 à 12 pour cent et descendre à 10 pour cent en 2023, afin de dégager des ressources pour des utilisations plus productives. Il urge, en outre, d’améliorer la collecte des impôts dans le cadre d’une plus grande justice fiscale. De même, il faut restructurer les entreprises publiques, ce qui requiert le soutien de l’Etat et l’instauration du contrat de performance de l’entreprise. En somme, une nouvelle gouvernance avec des règles de gestion moins rigides, un contrôle des transactions et des recrutements a posteriori et non a priori.