« Près de 270 Marocains ont été arrêtés samedi soir (23 janvier) à l’aéroport d’Alger et l’ambassadeur du Maroc convoqué pour expliquer l’accroissement ‘’ inhabituel ‘’ du nombre de ses compatriotes en transit en Algérie à destination de la Libye voisine. Les personnes arrêtées sont considérées comme suspectes puisqu’elles n’avaient pas de titre de séjour ou de travail en Libye. »
Cette information donnée par l’Agence Reuters hier dimanche a été confirmée par l’Agence de presse algérienne (APS) qui a diffusé un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères selon lequel « la question du flux massif et inhabituel de ressortissants marocains en provenance de Casablanca à destination de la Libye, à travers l’Algérie, constaté ces dernières semaines, a été portée à la connaissance de l’ambassadeur du Maroc. »
Le message adressé au Maroc à travers son ambassadeur a été transmis par Abdelkader Messahel, ministre algérien chargé des Affaires maghrébines, de la Ligue arabe et de l’Union africaine. Le ministre algérien a informé l’ambassadeur marocain « de la décision des autorités algériennes de permettre, pour cette fois-ci et à titre exceptionnel, le transit des ressortissants marocains actuellement à Alger, détenant des documents de séjour ou de travail en Libye. Les voyageurs ne disposant pas de justificatifs motivant leur déplacement en Libye, feront, quant à eux, l’objet d’un rapatriement vers leur pays d’origine. »
En temps normal, et compte tenu de la susceptibilité excessive qui caractérise les relations algéro-marocaines, une telle affaire aurait provoqué des protestations véhémentes de la part du Maroc et un déchainement de la presse marocaine. Cette fois-ci il n’en est rien, et les quelques rares protestations côté marocain restent très marginales. L’important est que le Maroc officiel semble accepter, pour ne pas dire apprécier, la vigilance des services de sécurité algériens qui se sont intéressés de très près à ce « flux massif et inhabituel de ressortissants marocains » en partance pour la Libye à travers l’Algérie.
Il faut dire que le voyage de ce grand nombre de Marocains vers la Libye à ce moment précis coïncide avec l’intensification des actions terroristes de Daech dans ce pays qui, depuis quelques jours, s’attaque aux installations pétrolières dans la région de Syrte, ville entièrement sous domination de l’ « Etat islamique ». Il coïncide également avec les appels à travers les réseaux sociaux faits par l’organisation terroriste aux jeunes maghrébins de rejoindre ses rangs.
Selon des chiffres donnés par des sources concordantes, 1000 Tunisiens et 250 Marocains guerroient actuellement en Libye avec Daech. Et il est bien évident que les Marocains arrêtés à l’aéroport d’Alger et ne disposant ni de titre de séjour ni de contrat de travail en Libye ne vont pas dans ce pays pour faire du tourisme. Ils ne vont pas non plus chercher du travail, car on ne cherche pas du travail dans un pays où règne l’anarchie la plus totale et où les plus grands « recruteurs » de jeunes sont les organisations terroristes.
Le Maroc n’a pas de frontière avec la Libye, mais cela ne l’immunise nullement contre les dangers en provenance de l’ex-Jamahirya. A ce niveau, la vigilance dont ont fait preuve les services de sécurité algériens sert aussi les intérêts du Maroc qui a été lui-même victime à diverses reprises d’attaques terroristes sanglantes.
La menace que posent l’ « Etat islamique » et « Al Qaida au Maghreb islamique » ne s’adresse pas à un pays particulier, mais à tous les pays de la région. La réponse à cette menace doit être collective, ce qui ne peut se faire sans concertation, coordination et coopération sécuritaires entre les trois principaux pays maghrébins.
C’est un fait que l’action commune maghrébine est lourdement paralysée depuis des décennies par la question du Sahara occidental qui empoisonne les relations algéro-marocaines. L’ampleur de la menace terroriste devrait, en toute logique, marginaliser la question du Sahara occidental et rapprocher les deux pays. Car la stabilité de l’Algérie et du Maroc est mille fois plus importante que le statut politique de ce territoire désertique dont la population dépasse à peine le demi-million de personnes.