Le prix du baril a connu ces deux dernières années une chute vertigineuse. Il a clôturé l’année 2014 à 50 dollars. Qui aurait pu imaginer que le prix du baril chuterait à 37 dollars à fin 2015 ? L’économie tunisienne a-t-elle su profiter de la baisse du prix du baril, au niveau le plus bas depuis onze ans ?
Entre début 2014 et fin de l’année en cours, le prix du baril a baissé d’environ 50 dollars. Début 2015, on s’attendait en Tunisie à un choc positif de cette baisse sur les principaux indicateurs de l’économie tunisienne.
Une croissance presque nulle
De fait, appuyé par l’optimisme des institutions internationales, telles que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), le gouvernement tunisien a, au début de son mandat, anticipé une hausse du taux de croissance, le situant à 3%. Au fil des mois, le même gouvernement a, à maintes reprises, révisé à la baisse ce taux de croissance, et ce de manière drastique, puisque les prévisions ont tablé sur un maigre 0,5% pour toute l’année.
Les retombées positives de cette chute du prix du baril sur l’économie tunisienne n’ont malheureusement pas été au rendez-vous, du moins pas au niveau des attentes des acteurs économiques. Conséquence : un ralentissement de l’économie tunisienne destiné à durer dans le temps si rien n’est fait de concret pour y remédier.
Baisse de la production nationale
Selon les chiffres publiés le 29 décembre 2015 par la Banque centrale de Tunisie sur la conjoncture économique en Tunisie pour les onze mois de l’année qui s’achève, la balance énergétique est toujours déficitaire et s’est limitée à 4,8% pour se situer à 3,2 milliards de dinars, malgré le fléchissement des cours internationaux des hydrocarbures. Cela s’explique aussi par l’état de la production de pétrole, estimée à 51 000 b/jour, qui enregistre depuis 2009 une baisse annuelle de 10%.
La baisse des prix sur le marché pétrolier a nettement pénalisé les activités de l’investissement dans ce secteur. Celles-ci ont été aussi impactées par les mouvements sociaux et les vagues de revendications. Dès janvier et à fin juin 2015, un seul puits a été foré. La baisse des prix et les pressions sociales ont négativement impacté l’investissement dans ce domaine et par conséquent l’investissement global, lui aussi un des principaux moteurs de la croissance en Tunisie.
La situation de l’économie nationale a porté la marque, au cours des onze premiers mois de 2015, d’une baisse de l’activité dans les principaux secteurs, notamment ceux de l’industrie et des services.
Les exportations des industries mécaniques et électriques, un des moteurs de l’économie tunisienne, ont enregistré un fléchissement, ainsi que celles des industries du textile, habillement, cuir et chaussures. Le transport aérien a accusé, au mois de novembre 2015, un repli du trafic aérien de passagers.
Pressions inflationnistes maintenues
Bien que la baisse du prix du baril s’est maintenue sur une longue période, celle-ci n’a pas eu d’effet notable au niveau des pressions déflationnistes : le taux d’inflation moyen des onze premiers mois de l’année en cours s’est établi au même niveau que celui enregistré à la même période de 2014, soit 4,9%.
Dépréciation continue du dinar tunisien
La douloureuse décision budgétaire relative à l’indexation (réduction de 20 millimes) du prix du carburant à la pompe au prix du brut sur le marché mondial a été décidée au détriment des équilibres budgétaires, parce que les dépenses de compensation allouées aux hydrocarbures et à l’électricité restent encore élevées et se situent à environ 2000 MDT.
Du côté du marché des changes, la dépréciation au cours des onze mois de 2015 du dinar tunisien de 10% par rapport au dollar et de 3,4% vis-à-vis de l’euro a malheureusement, à l’instar de 2014, amputé le gain escompté de la baisse du baril.
Un rendez-vous manqué
Enfin, la baisse du prix du pétrole n’a pas non plus freiné, durant l’année 2015, le recours à l’endettement. Justifié par un déficit budgétaire d’environ 7,5 milliards de dinars, le niveau d’endettement, estimé à environ 40 milliards de dinars, s’est alourdi.
Bref, l’économie tunisienne n’était pas au rendez-vous de cette précieuse opportunité de baisse des prix du pétrole. Le pays n’a pas rejoint le train des gagnants de cette baisse.